Les icariens sont des acrobates présentant des exercices d’icarisme, appelés également jeux icariens ou encore Risley act.
Risley act - Icariens

Risley act par Sands – A.A.

Premiers icariens

En novembre 1841, au Bowery Amphithéâtre de New York, Richard B. Carlisle (1814-1874), dit Risley, présenta pour la première fois en Amérique, un novelty act qui consistait à faire voltiger avec ses pieds ses deux élèves, John et Henry. Ces acrobaties étaient inédites pour les Occidentaux. Si l’on connaissait, depuis longtemps, l’art de l’antipodisme, qui consistait à faire tourner avec ses pieds toutes sortes d’objets, croix de Malte, tonneaux, boules ou tables, l’icarisme, par contre, était inconnu.

Cependant, sur un tableau chinois datant de 1485, qui représente la fête des lanternes à l’occasion de la nouvelle année, figure un antipodiste couché sur une table, faisant tourner avec ses pieds une roue de charrette sur laquelle un enfant se tient debout, tout en jouant de la flûte. À quelque distance, un autre antipodien fait voltiger un enfant. Ce tableau est le document le plus ancien, à notre connaissance, sur lequel apparaissent des icariens.

Artistes japonais - Icariens

Artistes japonais – A. A.

En Europe, des antipodiens, tel le Signor Colpi et ses élèves, présentaient au XVIIIème siècle des exercices d’équilibre ou d’élévations avec des acrobates, mais apparemment sans exercices de voltige. À la même époque, les antipodistes japonais faisaient grimper des enfants au sommet de leurs délicats échafaudages, du haut desquels ils effectuaient des plongeons. Sur une gravure ancienne, on peut même voir un porteur, couché sur une table, lancer avec les pieds un voltigeur qui tourne un saut périlleux.

Risley, le créateur des jeux icariens

Malgré ces quelques précédents, on peut considérer Richard B. Carlisle comme l’initiateur, en Amérique et en Europe, des jeux icariens. Il fit école, et ses nombreux imitateurs lui rendirent justice en appelant leur travail Risley act. En 1844, Risley se produisait au Royal Theatre d’Edimbourg. Il faisait effectuer à son voltigeur un saut périlleux de pied à pied, et un saut périlleux et demi de pied à main.

Le Risley act devint un classique de l’acrobatie. Des troupes, telles les Mariani, les Lenton ou les Cotrelly apportèrent des améliorations au travail initial. En 1861, Nagel faisait tourner une vingtaine de sauts périlleux consécutifs à son fils. L’addition d’un deuxième et même d’un troisième porteur, et la multiplication des voltigeurs, allaient permettre de présenter des combinaisons plus variées et encore plus audacieuses. Dès la fin du XIXème siècle, les Daytons présentaient le triple saut périlleux de siège à siège.

Les grandes troupes d’icariens
La troupe Kremo - Icariens

La troupe Kremo par les demoiselles Vesque

Le début du XXème siècle vit l’avènement de troupes prestigieuses composées d’une dizaine de personnes, telles les Kremo qui présentaient aussi le triple, les Bonhair qui travaillaient à trois porteurs, la troupe Schaeffer qui exécutait une colonne icarienne à sept personnes, ou les Lorch qui faisaient bondir leurs voltigeurs par-dessus des chevaux. Pour agrémenter leurs exercices, les Bastien ou les Geni utilisèrent eux aussi des chevaux ou des poneys, et les Mizza-Golem eurent l’heureuse idée d’arrimer leurs trinkas sur le dos de chameaux.

Après la première guerre mondiale, la plupart de ces grandes troupes furent dissoutes. Seuls, les Lorch qui furent des vedettes en Amérique, les Belfords, les Davies, les Freire, les Carpi, les Ronco, les Stephanos, les Kirk, les Cervantès ou encore les Allison, continuèrent à briller dans cette discipline. Les Bedini-Tafani ou les Frilli combinaient les jeux icariens avec les exercices en colonne ou des sauts à la bascule.

Les Rios- photo Nogrady - Icariens

Les Rios- photo Nogrady

Dans la deuxième partie du XXème siècle, la relève fut assurée par des troupes nouvelles telles les Ashtons venus d’Australie, les Berosini, les Fredionas, les Oscarian ou les Salvini. Ils furent concurrencés par d’excellents icariens venus d’Egypte ou du Moyen Orient comme les Bogdadi, les Sammy Bros, les Akeff, les Cairos, les Ramsès, les Amin ou les Iran boys. Les Rios renouvelèrent le genre avec un travail en duo présenté à un rythme soutenu, et les Novaks mirent l’accent sur une présentation dans l’esprit du music-hall.

Innovations des icariens
Les Errani - Icariens - photo François Dehurtevent

Les Errani – photo François Dehurtevent

Pour corser leurs exploits, les Berosini ou les Pironcovi ajoutèrent une bascule en-dessous de la trinka, tandis que les Segura utilisèrent un trampoline. En 1990, la troupe Fausto Scorpion, venue des Philippines, fit un retour aux sources en délaissant la trinka au profit du coussinet. Les artistes des pays de l’Est, tels les Biros, les Eleky, les Dvorak ou les Kouziakov ont repris une présentation plus traditionnelle afin de pouvoir mieux se concentrer sur le travail spécifique de l’icarisme.

En 1994, les Kurbanov innovèrent en travaillant sur de grosses motos. Quatre ans plus tard, les icariens de la troupe de Guang Zou présentèrent un exercice incroyable : la porteuse, couchée sur le cadre d’une bicyclette en équilibre sur un piédestal, faisait ainsi voltiger une jeune enfant.

Maycol et Guido Errani, impressionnèrent le public de Monaco, en 2006, avec leurs sauts twistés rattrapés debout, pied à pied. Au 34ème Festival International du Cirque de Monte-Carlo, en 2010, la troupe d’icariens de Shandong, composée de 19 personnes, présenta une véritable symphonie de sauts combinés en pyramides. Ce fantastique numéro obtint la récompense suprême, le Clown d’Or.
Dominique Denis
Troupe de Shandong - Icariens - photo François Dehurtevent

Icariens de Shandong – photo François Dehurtevent

Extrait de : L’Encyclopédie du Cirque – Dominique Denis – Arts des 2 mondes – version e book

Sources
  • Théophile Gautier au Cirque – C. U. – n° 87.
  • La Merveilleuse Histoire du Cirque – H. Thétard – p 268-276-313-319-320-574.
  • Le Cirque et ses Etoiles –  T. Rémy – p 92-93.
  • Les jeux icariens – P. Couderc – Le Cirque dans l’Univers –  n° 58.
  • Chinese acrobatics through the ages – Fu Qifeng – n° 7.
  • Acrobates japonais – Dossier de l’Auteur.
  • Affiche Yamagata – Le Cirque – P. Jacob – p 42-43.
  • Le théâtre du Merveilleux – M. H. Winter.
  • Histoire du Spectacle – Legrand-Chabrier – p 266.
  • Acrobatie et les Acrobates – G. Strehly –  p 249 à 268.
  • Cirque Parade – Adrian – p 170 à 171.
  • 200 years of the american circus – T. Ogden – p 300
  • Histoire Mondiale du Cirque – D. Jando – p 159 à 161.
  • Acrobates – A. Court – Le Cirque dans l’Univers –  n° 9.
  • Cottrelly – J. Garnier – Le Cirque dans l’Univers –  n° 32.
  • La famille Kremo – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers –  n° 92.
  • Knie Magazine – 1990.
  • Das Circus Lexikon.
  • Icarisme et Icariens – D. Denis – Le Cirque dans l’Univers  – n° 197.
  • Dossiers chronologiques de l’auteur.