Chrysis de la Grange fut la Reine incontestée de la corde lisse de 1934 à 1955.
Chrysis de la Grange - championne

Chrysis de la Grange – championne de la corde lisse – photo Piaz

Les chroniqueurs subjugués
Chrysis de la Grange - portrait - photo

Chrysis de la Grange – portrait – photo Piaz

Christiane Genviève Angèle Gourju, née en 1910 de père inconnu, fut découverte par Maurice Delagrange l’ex-porteur de la troupe Algévol. Deux ans plus tard, après leur première rencontre, Christiane, la débutante s’imposa d’emblée comme la Reine de la corde lisse. Maurice Delagrange qui entre-temps avait épousé sa belle élève, avait eut l’ingénieuse idée d’incorporer une tige de bambou dans l’âme de la partie haute de la corde, ce qui allait permettre à son élève de présenter de nouveaux exercices. Travailleuse acharnée, Christiane prenant modèle sur Luisita Leers, répéta sans relâche tous les exercices possibles à la corde lisse. Il est à noter, qu’elle tressait elle-même sa corde en utilisant des cordages en coton, ce qui la rendait à la fois douce, souple et résistante.

Suivant les conseils de son Pygmalion, la modeste Christiane se métamorphosa en la resplendissante Chrysis de la Grange. Lors de sa première apparition en décembre 1934, au Cirque d’Hiver qui venait d’être repris par les frères Bouglione, elle subjuga les chroniqueurs.

Rayonnante de joie

Dans l’Inter-ForainAli Héritier écrivait :

« … Elle arrive sur la piste, rayonnante de joie. La corde lisse pend du som­met jusqu’à terre. Elle part en posi­tion assise et fait une montée de 12 mètres, jambes en équerre. A la mi­-course de son chemin, elle s’arrête à la perche qui marque le prolongement de la corde et se livre, dans un style impeccable, à tous les exercices clas­siques des perchistes japonais. Puis elle grimpe plus haut, toujours plus haut, s’enroulant autour de sa corde, tête en bas, dans des attitudes fort harmonieuses et atteint ensuite la coupole du cirque où notre regard la suit, fasciné comme par celui d’une charmeuse de serpents, à vingt-cinq mètres de hauteur. Sous l’éclat des projecteurs, son corps se projette en ombres chinoises sur les cintres.

Nous semblons rentrés dans le domaine de l’irréel qui devient celui du fantasti­que lorsque, après une courte des­cente, elle exécute une série de tour­billons, si rapides, que la corde et sa gymnasiarque décrivent dans l’air des courbes, des ellipses si impres­sionnantes que nous serions tentés de croire aux incantations magiques des  fakirs hindous… »

Chrysis de la Grange : Une splendide œuvre de beauté…
Chrysis de la Grange - photo dédicacée à Henry Thétard

Chrysis de la Grange – photo dédicacée à Henry Thétard – collection Jean Biberon

Les propositions affluèrent de partout. Jean Houcke l’engagea dans son Cirque d’Amiens, puis Henri Varna l’accueillit à l’Alcazar de Paris où elle se produisit, les seins nus, vêtu d’un seul slip étoilé. Elle fut ensuite l’attraction principale de Tabarin. Elle fut appelé à New York, à l’International Casino de Brodway et au fameux Radio City. De retour en Europe, elle se produisit à Medrano en vedette d’un spectacle entièrement féminin intitulé Le triomphe de la femme. Dans le programme on pouvait lire : Chrysis de la Grange n’est pas seulement une championne, elle est aussi et avant tout une artiste, une grande et vraie artiste qui a su, avec une manière de génie aimable et souriant faire d’un angoissant travail aérien, une splendide œuvre de beauté…

Un numéro parfait

Henry Thétard écrivit une critique dythirambique, qu’il conclut par : « … Un numéro de cirque absolument parfait sous quelque angle qu’on observe, dépouillé de toute vaine floriture, d’une admirable et intégrale pureté… »

Les Parisiens purent l’apprécier à nouveau, en haut de l’affiche, à Medrano en mars 1940 et en octobre 1941. À cette occasion, le merveilleux Gustave Fréjaville écrivit à son propos : « …Chrysis de la Grange a fait un chef-d’œuvre de grâce, nette et précise d’harmonie corporelle, de pureté juvénile… »

Vêtue d’un déshabillé vaporeux et s’évantant d’un immense évantail en plumes, elle revint à Paris, en août 1943, au Nouveau Cirque des Champs Elysées installé au Grand Palais de Paris, sous la direction d’Albert Rancy.

A Peerless Plethora of Glittering Circus
Chrysis de la Grange - photo dédicacée à madame Rainat

Chrysis de la Grange – photo dédicacée à madame Rainat – collection Jean Biberon

Trois ans plus tard, elle fut réengagée au Cirque d’Hiver Bouglione et sous le chapiteau d’Albert Rancy. Lors de cette courte tournée, elle eut le temps de faire plus amplement connaissance avec le bel écuyer José Moeser, un ancien élève de l’Ecole espagnole de Vienne, qui costumé d’un boléro rouge brodé d’or et d’un pantalon blanc brodé d’argent, attirait plus d’un regard féminin… Abandonnant son mari resté seul dans son gymnase de la rue des Cinq-Diamants à Paris, Chrysis partit en Amérique pour la saison 1947 chez les frères Ringling, en compagnie de sa nouvelle conquête. Entourée d’un bataillon de girls, elle présenta un french cancan aérien mis en scène par Barbette en personne. Cette fastueuse production était intitulée : A Peerless Plethora of Glittering Circus in a Dreamly Interpretation of a Renowes Terpsischorear Achievement.

En octobre 1947, Chrysis et José revinrent en France, à Lyon, au Cirque des Cirques dirigé par les frères Amar. L’année suivante, encore en Amérique, elle épousa, en seconde noce, à Phénix, José Moeser. Le public parisien put encore la revoir au Cirque d’Hiver en avril 1949, en février 1950 et enfin, en janvier 1955 où Jean Jouquey annonça dans Le Parisien ses adieux à la Piste. Après une carrière d’une vingtaine d’années parsemée d’incontestables succès, Chrysis partit habiter dans l’Yonne, jusqu’à la fin de ses jours, en 1992.

De toutes les gymnastes aériennes, elle fut sans doute une des plus extraordinaires alliant harmonieusement la force, la grâce et la beauté. De Gustave Fréjaville à Henry Thétard, tous les chroniqueurs célèbrent cette artiste exceptionnelle.

Claudia Vivaldi
couverture du livre : Les Reines du Trapèze par Claudia Vivaldi

Les Reines du Trapèze par Claudia Vivaldi

Extrait de :  Les Reines du Trapèze – Claudia Vivaldi – Arts des 2 Mondes – Paris – 2011.
Sources : Chrysis de la Grange
  • Les chroniqueurs subjugués
  • Notes Dominique Denis.
  • Rayonnante de joie.
  • Au Cirque d’Hiver – Ali Héritier – Inter-Forain – 8/12/1934.
  • Une splendide œuvre de beauté…
  • Chrysis de la Grange – Yves Bonnat – Regards – 19/5/1938.
  • À Medrano : Le triomphe de la Femme – Henry Thétard – Le Petit Parisien – 21/9/1938.
  • Programme Medrano – septembre 1938 – mars 1940 – octobre 1941
  • Chrysis de la Grange à  Medrano – Gustave Fréjaville – Comoedia – 11/10/1941.
  • Chronique du Cirque – Henry Thétard – Le Petit Parisien – 21/9/1938.
  • Le cirque en images – Marthe et Juliette Vesque – G. P. Maisonneuve et Larose.
  • Les meilleurs gymnastes sont des françaises – Henry Thétard – L’Illustration – 27/11/1943.
  • A Peerless Plethora of Glittering Circus
  • Allons au Cirque – Jean Barreyre – 20/3/1946.
  • Le Cirque Rancy – Pierre Barlatier – Ce Soir – 30/5/1946.
  • Chez Albert Rancy – Yanette Deletan-Tardif – 31/5/1946.
  • Les Cirques des Frères Amar – Dominique Denis.
  • Le tragique roman de Maurice Delagrange – La Presse – 21/12/1949.
  • Au Cirque d’Hiver – Jean Jouquey – Le Parisien – 31/1/1955.
  • Ils donnent des ailes au cirque – Adrian.
  • Chrysis de la Grange n’est plus – Das Organ – novembre 1992.
  • Joies du Cirque – Francis Ramirez et Christian Rolot.
À lire

Les Reines du Trapèze – Claudia Vivaldi – Arts des 2 Mondes – Paris – 2011.