Le comique Dandy a inspiré de nombreux clowns et marqué l’histoire du Spectacle du XXème siècle, tant au cirque, qu’au cinéma, et qu’au music-hall.

Un jeune acrobate

Dandy - The Gabriels
The Gabriels – photo A. A.

Raymond Frau est né le 14 octobre 1887 au Sénégal. Après une enfance en Tunisie, puis à Marseille, il passa son adolescence à Paris. 

Très tôt, il fréquenta les gymnases et, à l’âge de 13 ans, fit ses premières armes comme acrobate au tapis sur le pavé parisien. Aussitôt, il se fit embaucher dans la troupe des Trois Ulisse, acrobates sauteurs, engagée au Fourmi-Eden Music-Hall. Il participa ensuite au numéro du Trio Raimonds Comedy Acrobats, puis en 1909, travailla seul, sous le nom de Boby. 

L’année suivante, il devint le partenaire de l’acrobate Gabriel Pop, dit Gabriel Mansuy, connu également en tant que clown sous le pseudonyme d’Ovaro

Gabriel Mansuy et Raymond Frau se produisirent sous l’appellation The Gabriel’s, great comical combination. Sous le nom des Ovaro Bros, ils participèrent en 1908, à la pantomime nautique du Nouveau Cirque de la rue Saint-Honoré, intitulée  Il pleut… Il pleut… Raymond y interprétait le rôle d’un pochard.

Le clown Dandy

Dandy debout
Le bonjour de Dandy – photo A. A.

Encore au Nouveau Cirque, en 1909, il eut la chance de donner la réplique au clown Orlando Averino. 

Ensuite, Raymond fit une escapade en Amérique du Sud, puis de retour en France, il retrouva Mansuy au cirque de la rue Saint-Honoré.

En 1910, il prit le pseudonyme de Dandy, et monta avec Randy, un numéro de clown. Ils furent engagés à Paris, au Cirque Medrano, en 1910. Entre deux engagements en Allemagne et en Suisse, Dandy tourna, en tant que clown de cinéma, quelques bobines en Italie pour la firme Cinès. 


Son premier film intitulé Partita in quattro sortit sur les écrans en juillet 1912. Ce fut un succès, et il enchaîna d’autres tournages, à raison d’un par semaine, d’abord sous le pseudonyme de Aristodemo puis sous celui de Kri-Kri

140 films

De 1912 à 1915, il interpréta près de 140 films qui allaient être diffusés dans plusieurs pays européens. En France, il était baptisé Patachon (à ne pas confondre avec le clown danois partenaire de Doublepatte). En Angleterre, il prit le nom de Bloomer.

Comédien, il était le héro de courts métrages où la comédie était essentiellement acrobatique… Grâce à sa petite taille et surtout à son agilité, Dandy, alias Kri-Kri excellait dans les farces échevelées comme  Kri-Kri boxeur malgré lui, Kri-Kri contre Sherlock-Holmes ou Kri-Kri au foot-ball. Il brilla également dans les parodies à l’emporte-pièce comme Quo Vadis, Robinson ou Jules César.

A partir de 1919, sous le nom de Dandy, il tourna en France, à Epinay pour les studios Eclair, quelques dix-huit films dont il fut la tête d’affiche. 

La série de Dandy

Dandy au cinéma
Dandy au cinéma – photo A. A.

Le premier de la série s’intitulait Dandy fait un béguin. Dans son ouvrage Cirque au Cinéma – Cinéma au Cirque, Adrian cite quelques titres comme Dandy gazier, Dandy navigateur, Dandy livreur… 

Le dernier film de cette série, datant de 1923, avait pour titre : Bandits contre Dandy.

Après la grande guerre, le cinéma n’était plus tout à fait une nouveauté, la manière de rire n’était plus la même. Les comédies se devaient d’être plus réalistes. Sous peine d’être impitoyablement éliminés, les interprètes durent adapter leur jeu, laisser au vestiaire leurs accoutrements trop excentriques et affiner leur maquillage. Un grand nombre de ces amuseurs venus du cirque ne surent pas s’adapter. Dandy, quant à lui, eut la capacité de moderniser son jeu empreint de la tonalité burlesque des chapiteaux. Il abandonna sa gestuelle quelque peu outrancière au profit d’une interprétation plus proche de celle de la comédie de boulevard.

Du Nouveau Cirque au Moulin Rouge

En Autriche, Dandy tenta sa chance comme producteur, sous la raison sociale Dandy Film Co, mai sans succès. 

Encore une fois, il fit une apparition en 1922, sur la piste du Nouveau Cirque, alors sous la direction Charles Debray. Il prit pour partenaires, le clown Delpha et le nain François

Après cet intermède circassien, en compagnie de Florelle, il retourna en Amérique et au Mexique en tant que comique de revues de music-hall dirigées par Bénedicte Rasimi, la directrice du Bataclan. Veuf de sa première compagne italienne, il se maria avec Suzanne Bourquin, à Paris le 30 décembre 1925. 

Alors, Dandy fut remarqué par Jacques-Charles qui lui confia, de 1925 à 1929, la responsabilité d’interpréter les sketchs de ses revues au Moulin Rouge à Paris. En 1927, il était aux côtés de Mistinguett et Randall dans Ça… c’est Paris. L’année suivante, il anima Paris aux Etoiles, puis retrouve la Miss dans Paris qui tourne. 

Casino de Paris

Dandy et Mistinguett
Dandy et Mistinguett – photo A. A.

Dans ce music-hall parisien, il eut comme partenaires des artistes de renom comme Dréan, Mauricet, Spadaro, Earl Leslie ou encore Jean Gabin.

De succès en succès, Dandy fut engagé, en 1929, au Casino de Paris, dirigé par Léon Volterra, et resta pensionnaire de ce prestigieux établissement jusqu’en 1935.

En septembre 1936, il anima, avec Joséphine Baker, la revue En Super Folies qui dura deux ans. Les années suivantes, il fit équipe avec le fantaisiste Orbal pour interpréter des sketchs jusqu’en 1949. Cette année là, il tourna son dernier film Miquette et sa mère, aux côtés de Louis Jouvet, Pierre Fresnay et Danielle DelormeAvec sa compagne, Yvonne Garel, il devint l’heureux papa de deux garçons, Raymond et René.

Folies Bergère

Le nom de Dandy apparut en haut de l’affiche des Folies-Bergère en 1945. L’année suivante, le critique Jean Barreyre écrivait dans la revue Opéra :

« … J’ai toujours aimé ce clown léger qui fait rire rien qu’en secouant sa tête ronde, en haute tension, et toujours évasif, éberlué. Il rend tous les sketches amusants, et dans l’un d’eux, où il fait la bête pour faire l’ange, il n’a jamais été plus spirituel… »

Comique aérien, Dandy resta jusqu’en 1951 dans ce temple parisien des plumes et des paillettes. Il anima les revues de Michel Gyamarthy, en compagnie des grandes meneuses de revue de l‘époque comme Nita Raya ou les Peter Sisters. 

Entre deux spectacles, il eut encore le temps d’avoir quatre autres enfants avec sa nouvelle compagne Laurence Messager. 

Un grand comique

Dandy sur scène et son cochon
Dandy et son cochon – photo A. A.

À chaque revue, Dandy interprétait un sketch différent. Les clowns de l’époque ne manquaient jamais ses interventions. Comme il se dépensait sans compter, il tomba gravement malade en 1951 et finit par succomber au début de l’année 1953. 

Dans ses colonnes, à la page des spectacles, le journal France-Soir du 12 février lui rendit un dernier hommage. 

Son petit-fils Laurent Frau rassemble le maximum de documents, sous forme d’articles, photos, programmes ou films. Il fut l’invité d’honneur du Festival du cinéma muet de Bologne, en juillet 2006, grâce à l’obligeance de Eric Le Roy, directeur des archives françaises du film, co-auteur du n° 19 de Cinégraphie consacré à Dandy.

Les connaisseurs savent qu’il est rare de rencontrer des comiques réussissant à faire rire, avec bonheur, autant au Cinéma, au Music-Hall, qu’au Cirque. Dandy fit partie de ces quelques élus qui ont pu mené une triple carrière avec succès.

Dominique Denis

Adaptation de l’article : Dandy, clown de cirque, clown de cinéma, clown de music-hall – Dominique Denis – Le Cirque dans l’Univers – n° 225.

Un grand Merci à Laurent Frau pour son aide et ses précieux documents.

Sources

  • Les Jeux du Cirque et la vie foraine – Hugues Leroux – p 44-45.
  • Histoire illustré des cirques parisiens – Adrian – p 68.
  • Programme Medrano – 1910.
  • Album Maïss – Dominique Denis – p 21.
  • Au Music-hall – Gustave Fréjaville – p 196.
  • Moulin Rouge – Programmes de 1927 à 1929.
  • En regardant Dandy – Comoedia – 27/8/1928.
  • A la scène… A l’écran – Jan Méry – Cinémonde – 4/2/1932.
  • Leurs débuts – Charles Gombault – 18/12/1935.
  • Le comique Dandy – Serge – Paris-Soir – 21/6/1939.
  • Féeries et Folies – G. Joly – 5/3/1949.
  • Annonces de presse Folies-Bergères -1939 à 1951.
  • C’est de la Folie – Jean Barreyre – Opéra – 10/4/1946.
  • Les Clowns – Tristan Rémy – p 215-465.
  • Music-hall – Paris-Hollywood – n° 60.
  • Dandy est mort – France-Soir – 12/2/1953.
  • Les deux cirques de Paris – Mesdemoiselles Vesque – Le Cirque dans l’Univers – n° 20.
  • Les histoires de Cirque de Lewis-James Pinder – Jacques Garnier – p 144-165.
  • Ce rire qui vient du Cirque – Adrian – p 93.
  • Cirque au Cinéma – Cinéma au Cirque – Adrian – p 82.
  • Les Folies Bergère – Jacques Pessis & Jacques Crépineau – p 139-142-146-152-154-157-158.
  • Raymond Frau – Les acrobates du rire – Jacques Richard – Archives 89.
  • Quand les gens du cirque français inventaient le cinéma burlesque – Jacques Richard – Le Cirque dans l’Univers – n° 179 – 1995.
  • Il cinema italiano – ANICA.
  • Partition : Ça n’arrive jamais Editions Salabert.
  • Aïcha – Disque Odéon.
  • Notes Laurent Frau.