Surnommé le Vestris, le Nijinsky, le Rastelli du fil-de-fer, Con Colleano fut une réelle star du Cirque de la première moitié du XXème siècle.  

En Australie

Portrait de Colleano
Portrait de Con Colleano – photo A. A.

Cornelius Sullivan junior, dit Con Colleano, était né le 26 décembre 1899, à Lismore, en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Il était le troisième enfant de Vittorine Julie et de Cornelius Sullivan, un organisateur de combats de boxe et de cirque. Du côté de sa mère, son grand-père était d’origine antillaise, et sa grand-mère une autochtone australienne. La fratrie était composée de dix enfants : Bonar, Winniefred, Cornelius junior, Kate, Maurice, May, Coral, Joyce, Babe et Lindsay.

Dès l’âge de trois ans, Cornelius junior débuta, avec son père, en tant que voltigeur dans le numéro d’icariens, au cours des tournées du cirque familial qui parcourait l’Australie. Afin de se donner une apparence exotique, la troupe prit le nom de Collino, et s’annonçait comme étant originaire d’Hawaï.

La famille fut engagée en 1912 au Rowan Bros Circus, et l’année suivante au Circus Asthon.

Zeneto

Le jeune Cornelius junior se produisait dèjà sur le fil tendu. Cinq ans plus tard, Cornelius Sullivan senior dirigeait le All-Star Circus. Le nom de la famille de Collino était devenu Colleano. Quant à Cornelius junior, il s’appelait alors Zeneto.

L’équipe fut à l’affiche du Great United Circus de Gus St Leon en 1917. Cette année-là, Zeneto tournait déjà le saut périlleux arrière sur le fil.

Puis, Colleano senior repartit en tournée avec son propre établissement en 1918. 

Le numéro de Con Colleano

fildeféristes
Con Colleano – Affiche de R. B. .B. B.

Journellement, Cornelius junior, répétait ses exercices acrobatiques. 

Costumé en toréro, il montait sur le fil pour une série de pas de danse sur un tempo soutenu. Il effectuait ensuite d’incroyables sauts de rebonds. Avec aisance, il tournait un saut périlleux arrière. Si ce saut sur le fil fait partie aujourd’hui du répertoire des fildeféristes, Colleano fut un des premiers à le tenter. Certes, à la fin du XIXème siècle, Caïcedo avait exécuté cet exploit, mais avec un balancier.

A la suite de son saut périlleux arrière, Colleano tenta le saut périlleux avant, pied à pied. Cet exercice paraissait alors impossible car l’acrobate ne peut voir exactement son arrivée sur le fil.

Du point de vue des professionnels, personne n’avait alors assité à un tel prodige.

 Première carrière en solo

Le numéro de fil de Con Colleano fut engagé en 1922 par le circuit Tivoli dirigé par Jack Musgrove. La troupe, quant à elle, présentait un numéro d’acrobatie exotique, annoncé ainsi : Les Arabes d’Akabah.

L’année suivante, la famille entreprit une tournée avec Fuller. Elle partit en 1924 en Afrique du Sud, et enfin en Amérique du nord.

Les Colleano débutèrent, avec succès, à l’Hippodrome de New York, en septembre 1924, et l’année suivante firent partie du Ringling Bros et Barnum & Bailey Circus. Cornelius était devenu une vedette, ainsi que sa sœur Winnie au trapèze en grand ballant et son frère Maurice qui tournait le double à terre. L’aîné, Bonar devint acteur de cinéma et Joyce se maria avec le jongleur Gaston Palmer.

Le 8 juillet 1926, Cornelius Sullivan junior se mariait avec Winifred C. Trevail, dite Winnie, à Wayne County dans le Michigan.

Con Colleano vedette

fildeféristes - Vesque
Con Colleano par les demoiselles Vesque

Le Cirque Bertram Mills engagea Con Colleano à Londres pous sa saison d’hiver 1928. Il fut programmé à l’Empire de Paris en novembre 1929, à la Scala de Berlin en février 1930.

Malgré son cachet élévé pour l’époque, Jérôme Medrano le mit en haut de l’affiche dans son cirque parisien en janvier 1932, pour son spectacle intitulé Espana.

La critique fut unanime de René Bizet dans L’Intransigeant, à  Legrand-Chabrier dans Le Carnetde la Semaine, en passant par Louis-Léon Martin dans Le Petit Parisien. Un des articles le plus extraordinaire fut celui de Pierre Bost encadré de dix photos Universal dans la revue Vu.

Extrait de l’article de Pierre Bost

« … Admirablement habillé en espagnol, dans des couleurs riches mais simples, beau de silhouette, souple sans minceur, malléable mais ferme, il règne sur son fil, élastique et rigide comme lui. Il danse, bras étendus, il court, il saute, il s’agenouille, légèrement balancé, doucement, dictant ce rythme, le visage tendu,  l’œil noir, absorbé, et l’on dirait méprisant. C’est la réussite pure.

Le plus beau moment de ces huit minutes de légèreté, ce sont ces sauts par lesquels Colleano s’assure sur le fil, et prend son élan, avant le casse-cou final, bras balancés, éprouvant le fil et sa propre souplesse, s’introduisant lentement dans un autre univers de l’équilibre, parlementant avec la pesanteur, il rebondit doucement, se reprend, recommence, se tâte. Un silence d’exercice mortel prend le cirque, car il n’y a pas que le danger qui émeuve les spectateurs. Cet envol est si beau qu’on voudrait qu’il dure encore… »

L’accident

Colleano à Medrano par Jacques Verrier
Con Colleano à Medrano – photo Jacques Verrier

Paris le fêta à nouveau en janvier 1933 à Medrano. Il était surnommé le Rastelli du fil-de-fer. Après les établissements les plus prestigieux comme la Scala de Berlin en décembre 1934, il revint dans la capitale française en 1936 à l’Alhambra, et à encore Medrano en novembre. Il était annoncé ainsi : Le beau Colleano.

Les plus grands établissements se disputèrent Colleano, tant en Europe, en Australie et en Amérique. Durant plusieurs années, aux Etats-Unis, il fut l’hôte du Cole Bros Circus, de Clyde Beaty et du Cristiani Bros Circus, le dernier en date, en 1959.

Medrano le rappela en mars 1949. Lors d’une matinée, le fil s’est rompu. Habitué à de nombreuses chutes, Colleano tomba sur la piste sans trop de mal. Le soir même, il reprenait son numéro. L’hebdomadaire Paris-Match lui consacra deux pleines pages en couleur. 

Londres fut heureux de l’accueillir à nouveau en décembre 1949 à l’Harringay Circus de Tom Arnold.

Sous le ciel de Floride

sur le fil - Illustration Medrano -
Con Colleano sur le fil – Illustration Medrano –

Après un dernier contrat en 1960 à Honolulu, au cirque E. K. de Fernandez, Cornelius et Winnie se retirèrent en Floride. Le 12 novembre 1973, Cornelius Sullivan junior, dit Con Colleano décédait suite à une crise cardiaque. Sa veuve Winnie retourna en Australie, puis mourut le 5 janvier 1986.

Le renommé International Circus Hall of Fame mit à l’honneur Con Colleano en 1966, et en 1997, la poste australienne émit un timbre-poste à son effigie. 

Laissons le mot de la fin à André Legrand-Chabrier qui écrivait : 

« … Colleano devient inoubliable, silhouette têtue de toréador du fil-de-fer, orangé, visage rare d’expression concentrée, car il ne s’épanouit pas dans le triomphe, où il demeure secret et égnimatique.

Il est un admirable funambule des temps anciens revivant en le nôtre pour nous faire comprendre la beauté du danseur de corde, dominateur des foules bées d’angoisse enthousisate sous sa traversée légère et folle…»

Dominique Denis

Sources

  • Wizard of the wire – Mark St. Leon.
  • La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard.
  • Le sens de l’équilibre – Adrian.
  • The Circus in Australia – Mark St. Leon.
  • Circus – The Australian Story – Mark St. Leon.
  • The Jandanchewsky Story – John Jandanchewsky.
  • Annonce Asthon Circus –  29 avril 1913
  • Certificat de mariage – 8 juillet 1926.
  • Une vie de Cirque – Jerôme Medrano.
  • Programmes Medrano – 1932 – 1933 – 1936 – 1949.
  • Medrano magazine.
  • Pierre Bost – Vu – n° 200 – 13/01/1932. 
  • René Bizet- L’Intransigeant – janvier 32.
  • Legrand-Chabrier – Le Carnet de la Semaine- janvier 32.
  • Louis-LéonMartin – Le Petit Parisien – janvier 32.
  • Du Cirque d’Hiver à Medrano – Legrand-Chabrier – La Rampe – 1 janvier 1933.
  • Chronique de Cirque – Henry Thétard – 10 janvier 1933.
  • Splendeurs et misères du Cirque – Louis-Léon Martin – Paris-Soir – 7/7/1937.
  • Le vainqueur du vertige – M. L. Sondaz – Voilà – 2 mai 1936.
  • L’Echo – mars 1949.
  • A Medrano : Colleano, Vestris et Nijinsky du fil de fer  – G. Joly – L’Aurore – 10/3/1949.
  • Un câble s’est rompu – L’Epoque – 12 mars 1949.
  • Ni maître ni éléve tel est Con Colleano – Christian Mégret – Carrefour – 16 mars 1949.
  • Paris-Match – avril 1949.
  • Article nécrologique – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers – n° 92.
  • Dictionnaire du Cirque – Dominique Denis.
  • Performer Con Colleano – Circuses and Sideshows.
  • Biography – Australian Dictionary.
  • Con Colleano – Dominique Jando – circopedia.
  • Australian tighwire wizard – You Tube.

A lire

The wizard of the wire – Mark St. Leon – Camberra – 1993.