Cirque d’Hiver – Direction des 4 frères Bouglione : Histoire de cette institution parisienne de 1934 à 1987.
Façade du Cirque d'Hiver - frères Bouglione en 1956

Façade du Cirque d’Hiver Bouglione en 1956

Les 4 frères Bouglione au Cirque d’Hiver
Cirque d'Hiver Bouglione 1935 - frères Bouglione

Cirque d’Hiver Bouglione 1935

De magnifiques affiches placardées sur les murs parisiens annonçaient la réouverture du Cirque d’Hiver le 20 octobre 1934.

La direction venait d’être confiée à Joseph, dit Sampion Ier Bouglione, assisté de ses 4 fils, Alfred, dit Alexandre Ier, Joseph Ier, Firmin Ier, et Nicolas, dit Sampion II.  A la manière des monarques, nous faisons suivre les prénoms de ces directeurs par un numéro, permettant ainsi de mieux les situer.

Après avoir dirigé une ménagerie foraine, Sampion Bouglione Senior, se produisit avec ses quatre fils, en 1924 au Cirque Périé. Il voyagea ensuite avec son propre cirque, en France et en Belgique, sous de nombreuses enseignes, comme le Stade du Capitaine Buffalo-Bill, le Cirque International ou le Cirque Franco-Belge.

A partir de 1934, ce chapiteau voyageur s’imposa en France sous l’appellation du Cirque des 4 frères Bouglione.

La réouverture officielle du Cirque d’Hiver de Paris eut lieu, le 17 novembre. Le programme était composé de nombreux numéros d’animaux, comme les éléphants d’Althoff, le groupe mixte de fauves de Firmin Bouglione, et les clowns Dario et Bario. En décembre, le dompteur Trubka, et les clowns Antonet et Béby furent les vedettes de ce spectacle de Noël.

Affiche de la Princesse de Saba - frères Bouglione

Affiche de la Princesse de Saba

Les pantomimes féeriques

L’année suivante, les frères Bouglione mirent à l’affiche plusieurs pantomimes féeriques et nautiques comme La Reine de la Sierra ou La Perle du Bengale. Ces grands spectacles, mis en scène par Géo Sandry, et dirigés musicalement par Raymond Brunel obtinrent beaucoup de succès.

D’autres pantomimes allaient être présentées l’année suivante comme Princesse Saltimbanque, en 1936, Le Courrier du Texas, Les aventures de la Princesse de Saba, en 1937, L’Idole de Shangaï, en 1938 et 1939.

Les premières parties étaient consacrées au cirque pur avec des troupes d’acrobates à cheval comme les Zoppe-Zavatta, les Cristiani, les Caroli, et des entrées de cage par des grands noms du dressage, comme Sailer Jackson.

Un jeune Auguste, Achille Zavatta sut parfaitement s’intégrer dans ces pantomimes à grand spectacle, et s’imposa comme un des grands espoirs de la comédie clownesque.

La perle du Bengale - frères Bouglione

La perle du Bengale – le succès du Cirque d’Hiver Bouglione

Frères Bouglione – De l’occupation à la Libération

La firme allemande Busch s’installa au Cirque d’Hiver, en décembre 1940.

Les Bouglione purent reprendre possession des lieux, en mars 1941, avec les trapézistes volants, les Alizés et les Alixon, les Dario-Bario, et le chanteur Charles Trénet. En septembre, les 4 frères eurent la douleur de perdre leur père Sampion, le fondateur du Cirque Bouglione.

Courageusement, les 4 frères continuèrent sur leur lancée. Les vedettes du spectacle furent le fildefériste Don Cariocas, et les clowns Dario-Bario. Ils mirent en piste, l’année d’après, une opérette Blanche Neige, avec les biches du professeur Maladolli, et les clowns Alex et Zavatta.

Les Parisiens purent applaudir en 1943, Robin des Bois, et l’année suivante, Ali Baba et les 40 voleurs. On assista à la reprise de Blanche Neige, en 1945.

Pour fêter la Libération de la France, le Cirque d’Hiver fut rénové. La scène fut agrémentée d’un cadre décoratif, et les équipements électriques remis en état. Les clowns Pipo et Rhum, Alex et Zavatta, les Francesco, furent à l’honneur en ce début d’année 1946. En novembre 1946, les Craddock, Bilboquet et Boulicot, les Zemganno, et les Fratellini assistés de Balazy furent réunis dans le même programme.

Les fêtes du centenaire par les frères Bouglione
Grock - frères Bouglione

Grock au Cirque d’Hiver Bouglione

Entreprenant de grandes tournées, les frères Bouglione cédèrent alors la direction pour une saison à Emile Audiffred, qui n’hésita pas à engager Grock, en mars 1947. A la rentrée d’octobre les Bouglione reprirent la direction effective. Ils invitèrent les Parisiens à assister à la grande cavalcade à l’occasion du mariage d’Odette Bouglione (la fille de Joseph Ier) avec Francesco Caroli.

Grock revint le temps de quelques représentations en avril 1948, et dans la nuit du 10 avril, le Tout Paris assista à la reprise du Gala de l’Union des Artistes.

Pendant plusieurs saisons, à partir de 1949, le Cirque d’Hiver proposa des spectacles réunissant d’excellents clowns, comme Achille Zavatta, accompagné d’Alex ou de son frère Rolph, de Pipo et Rhum, de Maïss et Mimile. Les jongleurs Reverhos, la trapéziste Maryse Bégary, le plongeur infernal Eddie Polo furent les étoiles de ces représentations. Il y eut également le petit génie musical Baby Mistin, la Reine de l’air Rose Gold, ou le dompteur Jacky Rex.

Gilbert Houcke - frères Bouglione

Gilbert Houcke au Cirque d’Hiver Bouglione

L’année 1952 fut celle du Centenaire, pendant laquelle on put découvrir deux révélations de taille : Une nouvelle équipe de clowns, les Rudi-Llata. Ces artistes espagnols, d’une esthétique irréprochable, étaient doués d’une puissance comique incroyable faisant fuser les rires des loges au promenoir. La deuxième surprise, fut l’entrée de cage de l’athlétique Gilbert Houcke, évoluant en souplesse, en costume de Tarzan au milieu de magnifiques tigres. On assista aussi à un spectacle sur glace, et l’année se termina avec les trapézistes volants, les Alizé, Charlie Rivel accompagné de Maïss et Mimile, et les Bario et Bario.

La Reine du Cirque au Cirque d’Hiver Bouglione
Sandrine Bouglione la Reine du Cirque - frères Bouglione

Sandrine Bouglione la Reine du Cirque

Les lilliputiens de Schaeffer envahirent la piste, l’année suivante, et on fut ébloui par la troupe de barristes mexicains Ibarra Matta. Légère et enjouée, la belle Cypriana Portner tournait un impeccable saut périlleux à cheval. Udo Heltano, exécutait à merveille des descentes sur fil oblique, en équilibre de tête ou sur une seule main.

Après un hiver riche en péripéties, qui vit le retour de Gilbert Houcke et des Rudi-Llata, on dut déplorer la disparition de l’écuyer Angelo Portner emporté par une crise cardiaque au moment d’entrer en piste.

La Perle du Bengale fut reprise, en mars 1954. Le 29 avril, les Bouglione perdirent Alexandre, l’aîné de la famille. Son frère Joseph fut alors désigné pour prendre les rênes de l’entreprise.

Pipo, Dario et Mimile au Cirque d'Hiver des frères Bouglione

Pipo, Dario et Mimile au Cirque d’Hiver Bouglione

Reine du Cirque

A la reprise, on revit la troupe de lilliputiens les Schaeffer, les clowns Maïss et Mimile tandis qu’Alex et Polo Rivel constituaient un trio avec Achille Zavatta. La rentrée d’octobre 1955 fut l’occasion d’accueillir deux nouvelles équipes de clowns : les Francini etle trio Pipo, Dario et Mimile. Le début du mois de janvier de l’année suivante, l’acrobate aérien Fritz Hemada s’écrasait sur la piste…

Les spectacles reprirent avec Gilbert Houcke, puis avec un Rodéo Américain. La belle Sandrine Bouglione fut couronnée par Luis Mariano, Reine de tous les Cirques du Monde.

Puis le Cirque d’Hiver fut transformé en studio de cinéma pour le tournage du film Trapèze, de Carol Reed, avec Gina Lollobrigida, Burt Lancaster et Tony Curtis. En novembre, Maïss et Manetti constituèrent un fameux trio avec Albert Fratellini.

Etoiles de la Piste et Piste aux Etoiles 
Gunther Gebels - frères Bouglione

Gunther Gebels – photo Louis Bouchery

Les Parisiens découvrirent en octobre 1957, un excentrique musical de grand talent, Don Saunders, et l’année suivante, Polo Rivel et ses enfants, le trio Alex, Pepète et E. P. Loyal, ainsi que les dynamiques Rex et Quito.

En novembre, les frères Bouglione renouèrent avec la tradition des grandes pantomimes féeriques, en présentant Davy Crockett et Jimmy Boy.

Ce même mois, Louis Merlin, organisa le Gala de la Piste. Cette manifestation réunissant les meilleures attractions du moment, allait rapidement s’imposer pendant près de vingt ans, comme un grand événement parisien.

Deux nouvelles équipes de clowns investirent la piste, pour la rentrée de septembre 1960 : les Bario, et les Fratellini juniors. L’année se termina en apothéose avec la cavalerie et les éléphants du Cirque Williams, présentés par Fred Petoletti, Jeannette Williams et Gunther Gebels.

Les Bario au Cirque d'Hiver des frères Bouglione

Les Bario au Cirque d’Hiver Bouglione

La Piste aux Etoiles

Entre temps, Gilles Margaritis, le producteur et réalisateur de La Piste aux Etoiles, quittait les studios du Moulin de la Galette pour s’installer enfin au Cirque d’Hiver.

Les saisons s’enchaînèrent, avec régularité, proposant d’excellentes attractions. On put frémir en contemplant les meilleurs trapézistes de l’époque comme les Palacio, les Alizé, les Antarès… le dompteur Taras Boulba… les fildeféristes Arata, Gipsy Bouglione ou encore Emilio Zavatta, le tramp sur corde élastique… Il y eut encore les acrobates à cheval, les Caroli, les Picard ou Emilien Bouglione dans une fougueuse version de La Poste

L’éclosion de jeunes talents chez les frères Bouglione

On revit en 1965 et 1966, Jeannette Williams et Gunther Gebel, avant leur départ pour le Ringling Bros and Barnum & Bailey Circus. L’année suivante, au mois de mai, le Cirque de Moscou, après son séjour au Palais des Sports, vint donner une série de représentations, avec en vedette, la trapéziste Avanessova et son aigle.

Le 7 septembre, on apprenait avec tristesse, le décès de Sampion II Bouglione. A la réouverture du 12 octobre, l’affiche annonçait les clowns Alex et Jacques Francini.

Les Caroli au Cirque d'Hiver - frères Bouglione

Les Caroli au Cirque d’Hiver Bouglione

En 1968, deux jeunes clowns, Sergio et Dominique – ce dernier qui n’est autre que le coauteur de cet ouvrage – firent leurs premiers pas sur la piste du Cirque d’Hiver. En vedette, on pouvait applaudir Koringa et ses alligators, et le trio clownesque Zino, Victor Foottit, et Baba Fratellini.

L’année suivante, les funambules, les Diables Blancs, les volants Alizé, et Gérard Edon, au trapèze Washington, étaient les vedettes du spectacle.

Les adieux des Rudi Llata

Les années suivantes, les spectacles se succédèrent qui permirent d’apprécier la dompteuse Catherine Blanckart ou le belluaire Henri Dantès… le jongleur Nino Frediani, l’excentrique musical Don Saunders…, les acrobates à cheval Silagy, le taxi en folie de Franky Babusio ou encore, les aériens Palacys.

Lors du XIVème Gala de la Piste, en 1971, les champions du Rire, les merveilleux Rudi Llata firent leurs adieux. L’année suivante, en février, le Gala du Cinquantenaire de la Piste se déroula en présence de la Princesse Grace et le Prince Rainier de Monaco. 

On revit les clowns Rex et Quito, et Bocky et Randel, les années suivantes. En 1974, les vedettes du spectacle furent le fildefériste Lothara, qui tournait un saut périlleux avant et un deuxième en arrière, et Vittorio Caroli, avec un saut périlleux en planche d’un cheval à un autre. Le 4 janvier 1977, ce fut la première d’une nouvelle manifestation, intitulée La Bourse Louis Merlin, créée par Dominique Mauclair.  Michel Francini présenta les spectacles suivants du Cirque d’Hiver-Bouglione, assisté de l’Auguste Culbuto. Avec leur entrée du karaté, les clowns Alexis furent la révélation de la saison 1978-1979.

La fin d’un règne
Programme du Cirque d'Hiver Bouglione

Programme du Cirque d’Hiver Bouglione

Firmin Ier Bouglione, dresseur de renom, qui avait formé de nombreux dompteurs, décédait à la suite d’une longue maladie le 17 février 1980. Son frère Joseph Ier restait seul à la direction du Cirque d’Hiver. Cette année, le cirque fut remis à neuf et sa coupole fut rénovée.

Pour la rentrée suivante, le spectacle fut intitulé American Circus, puis le Cirque d’Hiver-Bouglione accueillit la comédie musicale Barnum, produite par Yves Mourousi. En mars 1982, on put assister au spectacle du Cirque de Barbarie, une troupe composée uniquement de femmes sous la direction Barbara Vieille. L’année d’après, la réouverture se fit avec la belle équilibriste au sabre Rogana, et les reprises clownesques étaient assurées par Danglès. Enfin, la famille Bouglione fêtait le 11 décembre 1982, le 130 ème anniversaire du Cirque d’Hiver.

Un nouveau duo de clowns composé de Petit Gougou et Eddy Sosman firent des débuts remarqués, en octobre 1983.  On revit l’année suivante le pickpocket Borra, les Antarès, les grandes illusions de Sandrine et Thierry Bouglione, et le fildefériste de grande classe Joseph III Bouglione. Un autre spectacle fut animé par le clown Bobosse, puis ce fut la fin des saisons habituelles du Cirque d’Hiver.

Le 25 mars 1985, Joseph Bouglione Ier, était décoré de la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Le patriarche de la famille, Monsieur Joseph, disparaissait le 5 août 1987. Véritable légende vivante, ce grand directeur sut entreprendre d’audacieuses réalisations et imposer une image du Cirque aux 4 coins du monde. Après son décès, l’histoire du Cirque d’Hiver allait prendre une nouvelle orientation…

Joseph Bouglione Ier entouré de son épouse Rosa et de ses enfants Emilien, Joseph II, Sampion III, et Sandrine - frères Bouglione

Joseph Bouglione Ier entouré de son épouse Rosa et de ses enfants Emilien, Joseph II, Sampion III, et Sandrine

Adaptation deCirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis – deux volumes – Arts des 2 Mondes – 2003. (en cours de réédition).
Sources
  • Dossiers chronologiques de Dominique Denis.
  • Un glorieux centenaire – Henry Thétard – Le Cirque dans l’Univers – n° 11.
  • Programmes Cirque d’Hiver – 1934 à 1998.
  • Cirque d’Hiver – Articles de presse – 1934 à 1998.
  • Histoire Illustrée des Cirques Parisiens – Adrian.
  • Le Cirque d’Hiver – Sampion Bouglione – Marjorie Aiolfi.
A lire 
  • Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis – deux volumes – Arts des 2 Mondes – 2003. (en cours de réédition).
  • Histoire Illustrée des Cirques Parisiens – Adrian.
  • Le Cirque d’Hiver – Sampion Bouglione & Marjorie Aiolfi – Flammarion – Paris 2002.
  • Paris en Piste – Histoire des cirques parisiens – Pascal Jacob – Editions Ouest-France – Rennes 2013.