Ces établissements, appelés hippodromes parisiens, présentèrent au XIXème siècle des spectacles de Cirque grandioses.
Afin qu’il n’y ait pas de confusion, rappelons la définition du mot hippodrome tirée de L’Encyclopédie du Cirque : Indépendamment du sens premier (du grec hippos – cheval, et dromos – course) qui désigne un champ de course pour chevaux, on appelle hippodrome un vaste établissement de forme oblongue dans lequel sont présentés des spectacles hippiques à grande mise en scène.
Hippodromes parisiens – Adaptation de : Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère & Dominique Denis – Arts des 2 mondes – Paris 2003 (en cours de réédition).
Les Hippodromes de l’Etoile
Laurent Franconi, son fils Victor, et Ferdinand Laloue, firent construire d’après les plans de l’architecte Rohaut de Fleury, à Paris, à la Barrière de l’Étoile (sur l’ancien promenoir de Chaillot, au pied de l’Arc de Triomphe, à l’emplacement de l’avenue Kléber) des arènes en bois de style mauresque de forme ovale et non couvertes. L’hippodrome mesurait 120 mètres de long sur 70 mètres de large, et pouvait accueillir, d’après les chroniqueurs de l’époque, près de 15.000 spectateurs. Ce vaste cirque fut le premier hippodrome de spectacle parisien, qui par la suite, servit de modèle à des établissements similaires dans le monde entier.
L’ouverture de l’Hippodrome National eut lieu le 3 juillet 1845. Les jeux équestres, les cortèges somptueux, les tournois, les chasses, les envols d’aérostats, le funambulisme, et les courses en tous genres constituèrent les éléments d’un spectacle nouveau. Ce fut tout de suite un succès. Hélas, l’hippodrome fut la proie des flammes le 27 juillet 1846. Heureusement les 45 chevaux dont on avait coupé les longes, purent s’échapper dans le Bois de Boulogne.
L’hippodrome fut reconstruit, et l’année suivante, une reconstitution historique intitulée Le camp du drap d’or attira le tout Paris. Après la Révolution de février 1848, l’Hippodrome National s’intitula Hippodrome de la République. L’année d’après, on assista à une fantasia et à des courses d’autruches. Le 14 mai, Laurent Franconi décédait, puis la société formée par Ferdinand Laloue, fut mise en état de liquidation judiciaire. La direction fut reprise l’année suivante, le 17 juin, par Pierre Célestin Arnault. En 1852, on put applaudir la funambule Madame Saqui, qui à l’âge de 66 ans, faisait encore frémir les foules. En 1854, pour faire place aux nouveaux aménagements de la Place de l’Etoile, cet hippodrome disparaissait à jamais.
Les Arènes Nationales
Pierre Célestin Arnault ouvrit le 30 juin 1851, rue de Lyon, près de la place de la Bastille, Les Grandes Arènes Nationales, une succursale de l’Hippodrome de l’Etoile. Cet établissement contenait 20.000 places. Les frères Buislay furent les vedettes du spectacle, avec leurs numéros acrobatiques et aériens.
Un autre trapéziste, Alphonse Thévelin, qui se faisait appeler le premier Gymnaste de l’Europe obtint lui aussi, un gros succès, avec ses suspensions par les pieds à la barre d’un trapèze. Le spectacle se terminait par un carrousel comique animé par 24 meuniers et charbonniers.
Les Arènes Nationales changèrent de dénomination en 1852, pour s’appeler Arènes Impériales. Les représentations avaient lieu, les dimanche, lundi, et jours fériés, à quinze heures, pendant la belle saison. Les Arènes Impériales cessèrent leur exploitation en 1859.
Au Champ de Mars
Victor Franconi, en 1851, fit ériger au Champ de Mars, pour des représentations équestres, des arènes provisoires qui subsistèrent jusqu’en 1853. Parmi les artistes notables qui se produisirent dans ces arènes, on a retenu l’aéronaute Poitevin qui enlevait sous sa nacelle une calèche attelée de deux chevaux.
À l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889, Buffalo Bill planta ses tentes au Champ de Mars. Il y revint avec son Buffalo Bill’s Wild West and Congress of rough Riders, en 1905, à partir du 2 avril.
Le 10 juillet 1894, les Parisiens assistèrent à la première du Cirque-Hippodrome du Champ de Mars, situé avenue Rapp. La salle était quadrangulaire, et au milieu de l’arène trônait une piste circulaire. La direction artistique fut confiée à Geronimo Medrano. Il engagea les clowns Foottit et Chocolat, et les rois de l’air, les Rainat. L’année suivante, Raoul Donval dirigea l’entreprise. Quatre ans plus tard, cet hippodrome disparut avec les travaux pour l’Exposition du Centenaire.
Un Hippodrome Russe, dirigé par Dufour, s’installa en mai 1895, au Champ de Mars, avec des cavaliers cosaques. Ce ne fut pas le succès. Du 30 novembre 1901 au 16 mars 1902, le cirque américain Barnum & Bailey présenta son Greatest show on earth dans la Salle des Fêtes de la Galerie des Machines. Cet impressionnant bâtiment qui fut un des clous de l’Exposition Universelle de 1889, avait été transformé en vélodrome, en 1892.
Les hippodromes de la Porte Dauphine, du parc de Bercy, et autres
Après la démolition de l’Hippodrome de l’Etoile, à partir de 1854, Pierre Célestin Arnault fit construire à l’angle de l’avenue Bugeaud et de l’avenue de Saint-Denis ( Malakoff), un autre hippodrome d’après les plans de Davioud. Ces nouvelles arènes connues sous le nom d’Hippodrome de la Porte Dauphine furent inaugurées le 10 juin 1856, avec Ivanhoé, une grande reconstitution historique. D’autres somptueuses pantomimes furent montées comme, en 1858, La Guerre des Indes ou encore Pékin la Nuit. Célestin Arnault engagea des belluaires célèbres comme Opilo Faïmali avec sa fameuse chasse à la panthère. Le 29 septembre 1869, l’édifice fut la proie des flammes. Ce fut la fin tragique de cet hippodrome.
Entre temps, Célestin Arnault, en 1864, avait ouvert route de Charenton, dans les jardins de l’ancien château de Bercy, à l’est de la capitale, une succursale de son hippodrome. Le 1er juillet, le funambule Emile Gravelet, dit Blondin, le héros des Chutes du Niagara, fut la vedette du spectacle. En 1867, on put admirer à nouveau ce téméraire funambule. Deux ans après, le dompteur Lucas fut sauvagement attaqué par ses lions. Il mourut quelques jours plus tard de ses blessures.
Pour revenir à l’ouest, non loin de l’emplacement de l’Hippodrome de la Porte Dauphine, à l’angle de l’avenue de l’Impératrice et de la rue Picot, au Pavillon du Progrès, les Parisiens purent assister quelque dix ans plus tard, à quelques représentations du Paris-Hippodromique-Hall. L’affiche annonçait le dompteur noir Delmonico et ses 7 lions. A quelques pas de là, à l’emplacement de la rue Lalo, des arènes furent construites par Pierre Botrel, en 1889, dans lesquelles furent organisées des courses de taureaux. Cet établissement fut démoli en 1893.
L’Hippodrome de l’Alma
Deux grandes personnalités du spectacle, Charles Zidler et Joseph Oller, firent construire un hippodrome en bois, toiles et briques, à l’angle de l’avenue de l’Alma et de l’avenue Joséphine. Comme Louis Dejean, Charles Zidler débuta comme apprenti boucher. Quant à Oller, d’origine espagnole, il fut le créateur en 1867, du Paris Mutuel.
Cet hippodrome, commandité par les frères Berthier, banquiers de la rue de Richelieu, fut d’abord appelé Hippodrome des Champs Elysées, puis Hippodrome de Paris ou Hippodrome du Pont de l’Alma. Il fut inauguré en juin 1877, avec une pantomime traditionnelle, La chasse à cour. Après quelques mois, la Préfecture de Police ayant opposé son veto à son fonctionnement, les directeurs décidèrent de faire rebâtir le bâtiment, cette fois en maçonnerie et métal, selon les plans d’Alfred Leroux.
Ce nouvel hippodrome, de forme elliptique, mesurait 105 mètres de long, sur 70 mètres de largeur, d’une hauteur de 25 mètres. Il était doté d’une vaste piste de 84 mètres de long, sur 48 mètres de large. Chef d’œuvre de légèreté, la verrière, dont la partie centrale était mobile, reposait sur quatre grandes colonnes placées dans la piste, et sur vingt autres situées sur les pourtours. Les gradins pouvaient recevoir 8.000 spectateurs. La salle était éclairée à l’électricité fournie par deux machines à vapeur. Les écuries pouvaient abriter 200 chevaux.
Courses de char
L’hippodrome entièrement reconstruit ouvrit ses portes le 7 mai 1878. Au programme, on pouvait voir des courses de char, Zabel, la femme projectile, et une pantomime intitulée Les Zeg-Zeg.
Par la suite, les plus grosses attractions de l’époque brillèrent sur cette vaste piste. Ainsi, le fildefériste Wainratta surprit le public en présentant ses exercices sur un fil tellement mince, qu’il paraissait invisible, et Juan Caïcedo, un autre danseur sur fil d’Archal fit sensation, lui aussi, en tournant un saut périlleux. L’écuyer Benhamo, quant à lui, se surpassa avec la Poste à 20 chevaux. Les barristes Lauck et Fox firent des merveilles sur leurs trois barres fixes. Le dompteur Philadelphia présenta Prince, le lion écuyer d’Hagenbeck. L’étonnant Ephraïm Thomson fit habilement manœuvrer ses éléphants, et le funambule D’Jelmako fit trembler les spectateurs. Seul au milieu de cette vaste arène, l’ami Gugusse, Jimmy Guyon, qui fut le promoteur du personnage de l’Auguste, était régulièrement acclamé. Tous ces artistes faisaient leur sortie de piste dans le carrosse du duc de Brunswick conduit par un cocher en costume Louis XV.
De somptueuses pantomimes à grand spectacle furent montées comme Cadet Roussel, en 1882, ou Skobeleff, en 1885.
De Néron à Jeanne d’Arc
En 1890, Hippolyte Houcke, le fils de Léonard Houcke, prit la direction artistique et annonça Jeanne d’Arc, un spectacle à grande mise en scène qui eut un succès inouï. L’année suivante, les Parisiens assistèrent à Néron, une autre pantomime fastueuse avec plus de cinq cents participants, un orchestre de 150 musiciens et 200 choristes, et les lions de Wilhelm Hagenbeck présentés par le dompteur Julius Seeth. La cage centrale apparaissait comme par enchantement, mue par un système d’ascenseur fabriqué par Roux et Combaluzier. Lors de la répétition générale le dompteur fut attaqué par un des ses fauves, et la présentation du tableau dû être différée. Malgré ce fâcheux accident, Néron fit un triomphe.
Les années suivantes, on put applaudir Corradini avec sa cavalerie sur plateau tournant ou encore la fabuleuse troupe cycliste Ancillotti.
Le propriétaire du terrain, en 1892, voyant le prix du mètre carré flamber, ne renouvela pas le bail, et le 1er novembre l’Hippodrome donna sa dernière représentation. Une fois de plus, la spéculation immobilière anéantissait la vie culturelle de la capitale…
L’Hippodrome de la Place Clichy
En 1900, à l’occasion de l’Exposition de Paris, la Société Anonyme Française de L’Hippodrome fit construire un immense bâtiment avec une arène de 57 mètres de long, sur 35 de large, et une scène de 35 mètres de large sur 17,50 de profondeur. La salle appelée l’Hippodrome de la Place Clichy, pouvait recevoir 5.000 spectateurs. Elle était dotée de promenoirs, de bars, de brasseries, et de divers dégagements.
La direction artistique fut confiée à Ernest Molier, et l’inauguration eut lieu le 18 mai 1900. Dans la première partie du spectacle, les Mirza-Golem, une troupe d’icariens, effectuaient leurs exercices sur le dos de chameaux, et Richard List présentait un important groupe mixte de fauves de la ménagerie Carl Hagenbeck. Le programme copieux se terminait par une somptueuse pantomime intitulée Vercingétorix. Ce fut un énorme succès.
Hippo Palace
L’année suivante, en février, la Société de L’Hippodrome déposa son bilan. Le grand dresseur de chevaux Albert Schumann se proposa alors de louer la salle jusqu’au 3 juillet, qu’il baptisa Hippo Palace.
Les spectacles commencèrent le 13 avril avec une pantomime En Chine qui célébrait les faits d’armes des troupes alliées contre les Boxers. Albert Schumann présenta le dresseur Hodgini et ses chevaux footballeurs, l’écuyer russe Salamonsky, ainsi que des ballets nautiques.
Le 20 septembre 1901, l’Hippo Palace fut repris par M. Quenelle, un entrepreneur qui prit Lucien Loyal comme régisseur général, et Beketow et sa troupe furent engagés. Par la suite, les Rainat, les Eugen, et les Alex, voltigèrent sous les cintres de l’Hippodrome. Il y eut aussi une pantomime à grand spectacle, Napoléon Ier, avec une troupe de 150 enfants. Les spectacles continuèrent jusqu’au 2 juillet 1902, date de la fermeture.
Bostock et sa ménagerie
The Bostock’s Great Animal Arena s’installa dans les lieux, le 12 novembre 1903. Ce cirque prestigieux dirigé par Franck C. Bostock présenta un ahurissant spectacle riche en numéros d’animaux animés par des dresseurs de renom comme Herman Weedon, Mademoiselle Morelli, Jack Bonavita, Charles Miller ou Pernelet. Le public accédait dans la salle par le Promenoir zoologique qui n’était autre qu’un vaste zoo composé de cages décorées. Bostock fit un succès grandiose. Il revint les deux saisons suivantes.
Pour la saison 1906-1907, Franck C. Bostock s’associa à Hippolyte Houcke qui avait dirigé précédemment l’Hippodrome de l’Alma et le Nouveau Cirque. Ils produisirent une pantomime, India, et engagèrent Loïe Fuller, la créatrice de la danse serpentine. Le 10 mars, l’Hippodrome de la place Clichy fermait ses portes.
Le 14 décembre 1907, l’Hippodrome devenait le plus grand cinéma du monde. Il devint le Gaumont Palace, qui continua entre deux films à présenter des attractions. Dans ce lieu mythique, le 7 juillet 1946, Charles Girardin, le voltigeur des Clérans, exécutant le saut de la mort, s’écrasa sur la scène. La spéculation immobilière eut raison, une fois de plus, de cette fantastique salle de spectacle, et le Gaumont Palace fut rasé en 1972, pour être transformé en immeuble de rapport. Au mois de juin de l’année suivante, en attendant le début des travaux, le Cirque Jean Richard y planta son chapiteau… Depuis, le quartier de la Place Clichy est devenu bien morne.
Charles Degeldère & Dominique Denis
Sources : Hippodromes parisiens
- Le Cirque et ses Etoiles – Tristan Rémy.
- Architectures du Cirque – Des origines à nos jours – Christian Dupavillon.
- Histoire Illustrée des Cirques Parisiens – Adrian.
- La dynastie des Franconi – Tristan Rémy – Le Cirque dans l’Univers – n° 76.
- Les cirques stables en France (1900-1950) – Alfred Court – Le Cirque dans l’Univers – n° 15.
- Ouverture de l’hippodrome – Journal de la Mode – 4/7/1845.
- Céleste Mogador – L. R. Dauven – p 51-52.
- Les écuyères de l’hippodrome – Tristan Rémy – Le Cirque dans l’Univers – n° 45.
- Attraction acrobatique – M. J. Vesque – Le Cirque dans l’Univers – n° 23.
- Casse-cou de l’hippodrome – Tristan Rémy – Le Cirque dans l’Univers – n° 48.
- Programme Hippodrome – 10 juillet 1894.
- Programmes des Cirques en France de 1860 à 1910 – Alain Simonet.
- Hippodromes de jadis – M. J. Vesque – Le Cirque dans l’Univers – n° 22.
- Affiche Pavillon du Progrès – Le Cirque Français.
- Vie et histoire du 16ème arrondissement – Jean Colson.
- Showmen de la belle époque – Zidler et Oller – Jacques Garnier – Le Cirque dans l’Univers – n° 82.
- Valli de Laszewski et son époque – Paul Haynon – l’Inter-Forain – 6/3/1937.
- La Nature n° 669 – 27/5/ 1886.
- Der Artist – 1898 à1907.
- La fantastique tournée en France de Barnum & Bailey – Dominique Denis.
- Le Ve hippodrome de Paris – Tristan Rémy – Le Cirque dans l’Univers – n° 88.
- Grand Répertoire Illustré des Cirques en France – Robert Barrier .
À lire à propos des Hippodromes parisiens :
- Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis – deux volumes – arts des 2 Mondes – 2003. (en cours de réédition).
- Histoire Illustrée des Cirques Parisiens – Adrian.
- Paris en Piste – Histoire des cirques parisiens – Pascal Jacob – Editions Ouest-France – Rennes 2013.
- La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard – Julliard – Paris 1978.