Germain Aéros, le pochard sur un fil mou
Germain Aéros

Germain Aéros au Cirque Rancy

Le trio Aéros

Né à Paris, le 24 octobre 1884, Germain Louis (son vrai nom) étudiait la ferronnerie lorsqu’il fut séduit par les voltiges de trapézistes s’entraînant près de chez lui. Il s’intégra vite à la troupe des Alex, une des plus prestigieuses de l’époque Il créa ensuit le trio Aéros dans un numéro de trapèze – au portique bas – dans lequel il incarna, dès 1910, un personnage en état d’ébriété voulant faire l’acrobate. Le succès fut au rendez-vous et les meilleurs établissements européens les accueillirent à Paris, Berlin, Madrid, Budapest, Vienne et Genève.

Medrano avec Germain Aéros en vedette

Façade de Medrano avec Germain Aéros en vedette

Après une interruption guerrière d’où il revint avec une blessure à la jambe, Germain Aéros décida de se consacrer à une autre discipline, le fil souple, sans renoncer à son personnage de pochard qu’il avait continué à peaufiner, grâce à son talent de fin observateur-mime-comédien-cascadeur.

Il débuta, en avril 1919, à Strasbourg, à l‘Eden Théâtre. Il devint alors un véritable phénomène de la cascade comique. Il fut engagé dans les plus grands music-halls comme I’Olympia, l’Alhambra, l’Empire, Bobino, l’A.B.C. le Théâtre de l’Etoile, Crystal Palace et les meilleurs cirques tels Medrano, le Cirque d’Hiver, Bureau, Rancy, Amar, Pourtier, Dutrieu, Houcke, Price…

Quelques témoins ont pu décrire brièvement ses démêlés avec les objets récalcitrants. Empruntons à Adrian et L. R. Dauven quelques-unes unes de leurs notes pour essayer de reconstituer ce numéro fabuleux :

Vu par Adrian
Germain Aeros - Vesque

Germain Aeros par les demoiselles Vesque

« …Coiffé d’un huit-reflets à l’éclat terni, vêtu d’une redingote sans âge et d’un pantalon de pâtissier, une fleur à la boutonnière et un bâton à la main, Aéros entrait, jovial, d’un pas mal assuré, dans la piste où l’attendaient ses accessoires : un banc, une échelle, deux guéridons en bois et un tonneau. Assez pour déclencher une succession de catastrophes d’une intense drôlerie. Tout commençait sur un faux pas, suivi d’une première chute. Désemparé, Aéros se raccrochait au banc, qui lui retombait vite sur la tête. A peine relevé, il se prenait la jambe dans un guéridon, qui se renversait, l’entraînant dans sa chute. Et ce n’était qu’un début.

Successivement, et sur un rythme de plus en plus rapide, le banc, les guéridons, le tonneau, tous ces objets soi-disant inanimés se mettaient en mouvement, comme résolus à empêcher l’homme de rester debout. 

Et cela durait dix minutes. Entre deux accès de mauvaise humeur, tout de suite réprimés, Aéros retrouvait son sourire et, prenant son malheur avec philosophie, exprimait son optimisme et son étonnement : Tout va bien ! Quelle aventure !. Son Eh ben, mon vieux ! fut en son temps aussi populaire que le Pourquoi ? de Grock… »

Vu par L. R. Dauven
Affiche Germain Aéros

Affiche de Germain Aéros au Cirque Amar

« … Dans ses déambulations, Aéros se heurtait au fil tendu au-dessus de la piste, son chapeau tombait… Son esprit embrumé l’incitait alors à grimper sur ce fil. Après une tentative d’escalade à l’aide du tonneau, qui avait la malencontreuse manie de se dérober en roulant, il se hissait sur ce fil en s’aidant d’une échelle, également récalcitrante : il en ratait les barreaux, la recevait sur la tête. Au passage, il s’offrait un saut périlleux en vrille !

Enfin monté sur le fil détendu, il exécutait un numéro d’une exceptionnelle virtuosité. Après avoir marché, couru et valsé, après s’être livré à mille excentricités, Aéros imprimait à son fil des oscillations violentes, qui l’amenaient à l’horizontale, voire légèrement au-dessus, puis l’immobilisait net pour chanter, droit comme un I, d’une voix délicieusement enrouée, un couplet des Stances à Manon. 

On avait depuis longtemps compris que la partie comique du numéro n’avait pas pour objet de masquer les insuffisances d’un travail acrobatique médiocre. Incapable au sol de mettre un pied devant l’autre sans s’écrouler, le personnage funambulesque conçu par Germain Aéros ne retrouvait sa stabilité que sur le fil… »

Une famille d’artistes
Aéros par Zakary - Germain Aéros

Aéros par Zakary

Ce grand Artiste, exceptionnel, fit une brillante carrière internationale… sans toutefois oublier, entre deux contrats, de mettre à profit ses talents de mécanicien pour breveter quelques inventions. Une vie riche qu’il quitta à Paris, le 28 novembre 1954.

Notons enfin, que la famille Louis fut une pépinière d’artistes puisque le frère de Germain Aéros, Gaston, créa également un personnage comique dans les troupes de trapézistes volants Alexims, Parivols, Trio Maxims. Quant aux enfants de Germain Aéros, ils s’orientèrent vers des carrières musicales.

 Zakary

Article paru dans Infos-Clown –  n° 10 intitulé : Germain Aéros par Zakary.