Les premières compagnies équestres firent leur apparition à Vienne dès 1770. Dans la ville du Winterreitschule de réputation mondiale, de brillants cavaliers comme Juan Porté ou Peter Mahyeu firent découvrir les Jeux du Cirque.
Les Lipizzans à la Cour de Vienne
Après l’avènement de Charles Quint, Vienne devint la capitale du monde occidentale dont les possessions s’étendaient jusqu’en Amérique du sud. Sa richesse culturelle était exceptionnelle, tant au point de vue de la Musique, de l’Opéra, du Théâtre ou des Beaux Arts. L’art équestre y tenait une place prépondérable.
L’école espagnole, appelée ainsi en référence à l’origine des premiers chevaux fut fondée en 1565. L’empereur Charles VI fit appel, en 1729, à l’architecte Jozef Emmanuel Fischer von Erlach pour construire, dans le centre de Vienne, un manège d’hiver, le Winterreitschule. Avec ses Lipizzans dirigés par de prestigieux Oberbereiters comme Christoph E. Regenthal, Paul Schäffer ou Adam von Weurother, ce centre équestre devint à partir de 1735, année de son inauguration, une institution renommée dans le monde entier.
La noble race chevaline des Lippizzans, équidés de robe gris clair, réputés pour leur fière allure, leur force et leur endurance, l’élévation de leurs membres, trouve son origine à Lipica, en Slovénie. L’Archiduc Charles y fonda en 1580 un haras, d’abord avec trois étalons espagnoles, puis six autres ainsi que vingt-quatre juments. Il en confia la direction à Franz Jurko qui pratiqua des croisements avec des chevaux de la régionmontagneuse du Kras ce qui donnera naissance, deux siècles plus tard, à l’exceptionnelle race de Lippizans de renommée mondiale. Parmi les étalons fondateurs de la lignée, se distinguent Pluto, Conversano, Favory et Maestoso.
Les Lippizans les plus doués furent montés à l’école espagnole de Vienne. Sous le règne de l’impératrice Marie-Thérèse, le haras de Lipica comptait alors cent-cinquante juments. En 1743, cette monarque donna au Winterreitschule de Vienne une fête somptueuse pour toute la noblesse où elle dirigea un carrousel, manifestation équestre pouvant être considéré comme une préfiguration du spectacle de Cirque moderne.
Le Hetz Theater et les compagnies équestres
Jacob Bates fut, sans doute, en 1766, le premier voltigeur à cheval qui se produisit à Vienne devant l’empereur François.
Un entrepreneur de spectacle français, Charles Defraine fit construire, en 1755, le Hetz Theater, un bâtiment circulaire, à ciel ouvert, de trois mille places pour y présenter des combats d’animaux, à la manière du Fechthaus auf der Schütt de Nuremberg. Cet établissement ne fut pas le premier du genre à Vienne, puisque vingt ans auparavent, une arène équivalent avait été érigée par Bibiena et Corradini. Le Hetz Theater fut reconstruit en 1766, puis en 1784, avant d’être détruit par un incendie. Dans un excellent article intitulé Le Cirque en Autriche paru dans la revue Le Cirque dans l’Univers, l’historien Otto Christl écrivait :
« … On ne donna pas seulement des combats d’animaux, mais aussi des représentations de cirque au sens moderne du mot. On y vit des écuyers et des écuyères, et également des acrobates et des artistes d’agilité de souplesse et de force… »
En décembre 1769, Jacob Bates revint à Vienne pour donner une série de représentations au Hetz Theater. L’écuyer anglais Potters fit de même en 1770. Trois ans plus tard, un autre cavalier britannique, William Wear brilla également avec ses exercices de voltige à cheval.
Juan Porté
Juan Porté (1740-1810) s’imposa en 1780 comme un cavalier hors pair. Il obtint un énorme succès à Vienne, sur la place du Mehlmarkt, et avait été nommé premier écuyer de l’impératice Marie-Thérèse. Sa troupe était composée du voltigeur Wurthinger, de la famille d’acrobates Kleinschneck, et des comiques Kosak et Schuster. Dans La Merveilleuse Histoire du Cirque, Henry Thétard écrivait :
« … Juan Porté était extrêmement populaire dans le monde des officiers de cavalerie. Quand sa troupe faisait son entrée en ville, les trompettes et les tilbaliers du régiment de garnison allaient chercher les saltimbanques jusqu’au quartier où avait lieu généralement, dans le manège, la représentation… »
Selon Christian Dupavillon, dans son livre Architectures du Cirque, Philip Astley se serait produit dans la capitale autrichienne en 1782, sous le règne de Joseph II, ce qui probable, mais non prouvé. Le sieur Hyam, le héros anglois, que le public parisien avait pu apprécier au Colisée dix ans auparavant, donna des représentations en 1784. D’après l’historien Joseph Halperson, Hyam fit des ravages dans les cœurs des belles Viennoises.
Compagnies équestres à Vienne
Deux ans plus tard, en août, Peter Mahyeu, natif de Liège, un ex-piqueur de la Cour d’Espagne qui avait appris la voltige et la jonglerie à cheval, vint à Vienne à la tête de sa propre compagnie.
Luigi Chiarini, de la célèbre lignée, associé avec Charles Masson, se produisit en 1786 puis, deux ans plus tard, en mai.
Peter Mahyeu retourna à Vienne en 1790. Son succcès fut attesté par un livret, dédié à l’empereur Léopold II, illustré de 32 gravures représentant ses prouesses artistiques. Peter Mahyeu fut un modèle de la voltige à cheval et forma des cavaliers comme Brilloff, Christoph de Bach et Johann Hinné qui, à leur tour, devinrentt des étoiles des Pistes européennes. Les Viennois applaudirent au Hetz Theater, en 1794, sous le règne de l’empereur François, Peter Mahyeu en compagnie de Johann Kolter. En 1796 et l’année suivante, le même Kolter donna des spectacles, et cette fois avec son confrère Wieland.
En juin 1791, Monsieur Balp,qui était connu en France, se produisit à son tour. Il était annoncé comme l’écuyer privilégié du Roi de Sardaigne,
Originaire de Lettonie, Christoph de Bach, qui avait fait ses classes chez Peter Mahyeu, se lança à la conquête de Vienne en 1802, puis en 1805 et 1806. Il allait doter la ville du magnifique Circus Gymnasticus…
Dominique Denis
Sources
- Les Lipizzans à la Cour de Vienne
- Dossiers chronologiques de l’auteur.
- The Spanish Riding School of Vienna – The Anglo-Austrian Society.
- Premiers voltigeurs à cheval – circus-parade.com
- Les jongleurs à cheval – Dominique Denis.
- L‘école espagnole de Vienne – ecuriemoulindelacroix.fr
- Circus-Archäologie – Hermann Saguemüller.
- Le Cirque en Autriche – Otto Christl – Le Cirque dans l’Univers – n° 51.
- Marie-Thérèse d’Autriche – Jean-Paul Bled – p 107.
- Le Hetz Theater
- Jacob Bates, le piqueur anglois – circus-parade.com.
- Notes Peter Bräuning & Hermann Saguemüller.
- Das Busch vom Zirkus – Joseph Halperson.
- Circus in Wien – Robert Kaldy-Karo und Chirstoph Enzinger.
- La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard.
- Architectures du Cirque – Des origines à nos jours – Christian Dupavillon.
- Le Cirque en France au XIIIème siècle – Dominique Denis.
- The Spanish Riding School of Vienna – The Anglo-Austrian Society.
- Compagnies équestres à Vienne
- Dossiers chronologiques de l’auteur.
- Premiers voltigeurs à cheval – circus-parade.com
- Les Jongleurs à Cheval – Dominique Denis.
- Circus-Archäologie – Hermann Saguemüller.
- Le Cirque en Autriche – Otto Christl – Le Cirque dans l’Univers – n° 51.
- Les premiers écuyers – Joseph Halperson – Music-Hall and Circus.
- Circus in Wien – Robert Kaldy-Karo und Chirstoph Enzinger.
- Die ehemaligen circus-gebäude in Wien – Christoph Enzinger – Circus archiv.
À lire :
- Das Busch vom Zirkus – Joseph Halperson – Zentralantiquariat der DDR – Leipzig – 1990.
- La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard – Prisma – Paris – 1947.
- The Spanish Riding School of Vienna – The Anglo-Austrian Society.