La prestigieuse famille d’acrobates et de jongleurs à cheval Lécusson, dès la fin du XIXème siècle, brilla sur les pistes européennes et américaines.
Théophile Lécusson
Cet artiste débuta dans la vie avec un lourd handicap. Agé de sept mois et quatorze jours, il fut abandonné et recueilli par l’hôpital de la Charité de Lyon le 7 juin 1828. L’enfant fut confié à madame Elizabeth Rivoire, veuve de Claude Genin. Neuf mois plus tard, il fut repris par ses parents Jean-Pierre Isidore Lécusson (orthographié Lécussan) et Hélène Lequeret.
Son père était soldat au 17èmerégiment de ligne en garnison dans cette ville. Ayant abandonné l’uniforme, celui-ci devint postillon.
Théophile Lécusson se lança dans la carrière d’artiste ambulant. Il se maria avec Marie Olimpe, née de parents inconnus. C’était à Toulouse 31 janvier 1850. Marie avait donné naissance à Hélène, le 8 janvier.
Une deuxième fille, Clémence, naquit en 1856, mais mourut en bas âge. Puis, Mathilde vint au monde, le 11 juillet 1865.
Les premiers cirques de Théophile
Attiré par les animaux, Théophile Lécusson monta une ménagerie ambulante. Son cheptel, en 1864, comprenait quarante animaux, essentiellement des chiens et des singes. Son établissement s’appelait alors le Cirque Brésilien.
En mai 1869, il voyageait dans le Gard avec son Cirque Zoologique. L’affiche promettait 60 artistes à quatre pattes – singes et chiens savants. Dans le journal Le Var, en 1875, était annoncé un cirque Frères Lécusson. L’année suivante, l’enseigne était devenue Cirque Universel. Deux écuyers faisaient partie de la troupe : Julien Rouck et Coki.
Tous les membres de la troupe pratiquaient des disciplines, allant du fil-de-fer à l’acrobatie équestre, en passant par le trapèze.
Mariage d’Hélène avec Louis Brun
Hélène, la fille aînée de Théophile, se maria avec l’acrobate Louis Augustin Brun. Alors que la troupe voyageait en Afrique du nord, Ils eurent un premier fils, mort-né, à Constantine, en Algérie. Ensuite naquirent Eugène Ferdinand le 18 juin 1876 à Briançon, Adrian Jacintho, en Espagne en 1879, et Emilie Adrienne Juliette, dite Amélia, le 18 juin 1882 à Coimbra, au Portugal.
Dans la dernière décennie du XIXème siècle, sous l’impulsion d’Eugène Brun, la famille décida de monter un numéro de voltige équestre, costumée en copurchic(habit rouge et culotte de soie) à quatre personnes. C‘était une nouveauté, car jusqu’à alors, ce genre de travail était présenté en solo, à deux ou en trio. Eugène, tournait le saut périlleux d’un cheval à l’autre.
La troupe Lécusson, composée de Amélia, Eugène, Mathilde et d’Adrien, allait faire école…
Jonglerie à cheval par Adrien
En plus de sa participation au numéro familial, Adrien Brun-Lécusson présentait un numéro de jongleur à cheval costumé en evzone. Il jonglait avec un sabre, un ballon, trois révolvers chargés et des torches enflammées. Souvent, il était annoncé par son simple prénom ou parfois sous le pseudonyme d’Adrien Lécuyer.
Adrien se produisit en 1891 en Espagne, au Circo Ribas, au Circo Parish à Madrid, et quelques années plus tard au Cirque Plège, en France, où il présentait, en plus de ses jeux péloponnésiens, un numéro d’acrobatie aérienne.
Toujours avec sa famille, Adrien fut engagé en 1899 au Cirque Barnum & Bailey en Amérique du Nord, puis à la fin de l’année, au Cirque Hengler à Liverpool. Il vint à Paris à l’Hippo-Palace de Paris, en juillet 1900, puis tourna avec le Cirque National Suisse jusqu’en 1902.
Les élèves
Dans l’équipe, figuraitGustave Albert Carl Christ, né à Hambourg le 23 aout 1871. il s’était marié avec Mathilde Lécusson.
Il y eut encore l’excellent voltigeur Marasso. Ensuite, vinrent de jeunes élèves qui allaient devenir célèbres par la suite comme le cinéaste italien Roméo Bosetti, les clowns Robert Despard-Plège, les frères Plattier ou Louis Lavata. Ce dernier, dans ses Souvenirs, relata sa carrière au sein de cette famille.
Quand Eugène mourut en Suisse en cours de tournée, Adrien devint le chef de troupe qui allait s’appeler Brun-Lécusson. Entre-temps, Adrien s’était marié à Hambourg avec Hilda Hermance Gaïtana Minnigio. Elle était la fille du clown dresseur Louis Minnigio, et travaillait avec sa sœur Eva.
Pendant ce temps, le deuxième gendre d’Eugène montait une autre équipe sous le nom de Christ-Lécusson.
Les Brun-Lécusson
Après un passage au Coliseu de Lisbonne, dirigé par Santos, en 1903, la troupe s’agrandit et se rendit au Nouveau Cirque de Paris, avec son numéro en mail-coach.
Dans la capitale française, Emilie, la fille de Louis Brun, se maria le 23 mai 1903, avec le célèbre clown Little Walter (Walthère Ulric Alexandre).
Les Brun-Lécusson furent ensuite engagés chez Plège puis retourna au Cirque National Suisse. A partir d’avril 1904, ils s’embarquèrent vers le nouveau monde pour un engagement au Cirque Forepaugh and Sells qui tournait au Canada. Les affiches annonçaient la famille Bruin Lecusson – sic.
Une fois leur contrat terminé chez Despard-Plège à Dunkerque, début 1905, la famille retourna en Amérique chez Barnum & Bailey. L’équipe était composée de Héléne, Adrien, madame et monsieur George Rowland, mesdemoiselles Alexandrine Fettisoff, Pauline Heil et messieurs Roméo Bossetti, Louis Dassonville et Eugène Walter.
La nouvelle troupe
En France, la troupe retourna chez Plège, ensuite à Londres au Circus Ginnett-Lockard.
Le public européen put encore apprécier les jongleries équestres d’Adrien, en 1906, au Nouveau Cirque, à Paris. Puis, chez Plège, chez Ricono l’année suivante ou au Principio Real et au Circo Alcantara de Lisbonne.
La troupe était alors composée d’Adrien, Pauline Heil, Louis Lavata et Cyril. Au Portugal, l’écuyer Ferdinand Moustier s’incorpora à l’équipe.
Lors de ce séjour à Lisbonne, madame Lécusson mère décéda. La troupe retourna à Paris au Nouveau Cirque à Gand, où Harris Scanlon remplaça Ferdinand Moustier, puis au Cirque Corty-Althoff en Allemagne.
La saison suivante se passa à Paris, au Nouveau Cirque, au Cirque Metropole nouvellement construit, à nouveau chez Plège, Corty-Althoff et Roche à Lyon.
La troupe partit en Amérique du Sud au circo de Franck Brown, en 1909.
Les 5 Sœurs Lécusson
De retour en Europe, Adrien délaissa les exercices de jongleries équestres et devint régisseur du Coliseu dos Recreios à Lisbonne.
À Bordeaux, au Cirque d’Albret, Adrien monta le numéro équestre intitulé Les 5 Sœurs Lécusson. Une des demoiselles était un travesti interprété par Louis Lavata. Ce dernier, qui eut l’occasion d’apprendre la comédie clownesque auprès de Little Walter, était devenu porteur et pratiquait également la jonglerie équestre.
Enfin, Adrien Brun-Lécusson fut encore à l’affiche en 1915 du Colyseu Luso Brasileiro de Rio de Janeiro.
Le numéro des Lécusson reste encore aujourd’hui un exemple de troupe familiale équestre exemplaire.
Dominique Denis
Adaptation de : Les Jongleurs à cheval – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes – Paris – 2009… complété par les recherches généalogiques de Paul Salasca.
Sources
- Actes d’état civils – recherches de Paul Salasca.
- Annonce cirque brésilien – la revue programme – n° 100 – 18/02/1864.
- Cirque Zoologique – Le courrier du Gard – 16/05/1869.
- Le Cirque des frères Lécusson – Le Var – 28/10/1875.
- Cirque universel – le patriote savoisien – 14/07/1876.
- Grand répertoire des cirques en France – Robert Barrier.
- 30 ans de cirque par Louis Lavata – Michel Murray – Le Quotidien.
- Courriers Lécusson – 12/5/1869 – 23/6/1875 – 24/7/1875 – 4/1/1878 – 11/2/1878 – 20/2/1894.
- Les Laugier – Tristan Rémy – Le Cirque dans l’Univers – n° 52.
- L’Acrobatie et les acrobates – Georges Strehly.
- Victorian Arena – John Turner.
- New York Clipper – 22/04/1899.
- Le Vème Hippodrome de Paris – Tristan Rémy – Le Cirque dans l’Univers – n° 88.
- Quand les gens de cirque français inventaient le cinéma burlesque – Jacques Richard – Le Cirque dans l’Univers – n° 181.
- Les Clowns – Tristan Rémy.
- Programmes Plège – 1897-1898-1907.
- Grand Cirque National Suisse – 1902.
- Affiches Forepaugh and Sells au Canada – 1904.
- Voeux Brun-Lécusson – 1905.
- Der Artist – 23/12/1906.
- Affiche Grand Cirque Veuve Ricono – 1907.
- Coliseu – 1910.
- Cirque d’Albrey – 1910.
- Colyseu Luso Brasileiro – 1915.
A lire
Les Jongleurs à cheval – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes – Paris – 2009.