Hamlet, un grand classique de la comédie clownesque, adaptation du Livre du Clown de Dominique Denis aux Éditions du Spectacle.

Dans le cadre de la sauvegarde du répertoire clownesque, faisant partie de notre patrimoine culturel, voici une version de ce classique du genre. Rappelons qu’il s’agit d’une comédie conçue pour être interprétée dans un manège, et non pas sur la scène d’un théâtre. Que les amateurs d’Ibsen ou de Tchékoff soient rassurés !

De grands Clowns et Augustes comme Béby, les Dario-Bario, Pipo et Rhum, enrichirent ce sketch. Une des plus belles interprétations que j’ai pu voir celle qui fut jouée à Medrano, en septembre 1957, par l’équipe constituée de Marcellys, Lulu, Tonio, Nino, Gin, et l’inénarrable Albert Fratellini. Depuis, je l’ai encore vu joué par Bocky et Randel, ainsi que par Bob et Momo.

Cette version est une adaptation. Volontairement, j’ai réduit cette entrée à sa plus simple expression, en ne conservant que l’essentiel.

Pipo et Rhum - parodie  - photo A. A.
Pipo et Rhum – photo A. A.

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Clown : Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, j’ai été chargé par la direction du cirque, de vous présenter une troupe théâtrale, qui va vous interpréter Hamlet. (Entre l’Auguste) Ah, tu tombes bien, vas me chercher la troupe du théâtre ! (l’Auguste sort en coulisses).

Clown : (Au public) Voici donc de William Shakespeare

Auguste : (revenant des coulisses) Ça y est … ils ont téléphoné.

Clown : (inquiet) Et pourquoi ?

Auguste : Pour dire qu’ils ne viennent plus.

Clown : (désespéré) Mais c’est la catastrophe ! Et le public qui attend une pièce de théâtre !

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Clown : (D’un seul coup, le clown s’arrête) Attends, j’ai une idée ! Voilà, on va remplacer les comédiens ! On va improviser, et on va jouer Hamlet ! (il prononce Homlet à l’anglaise) D’accord ?

Auguste : (pas contrariant) D’accord.

Clown : Allez, vas vite te préparer, pendant ce temps-là, je fais l’annonce. (L’Auguste sort en coulisses.) Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, avec l’aimable autorisation de la Comédie Française de Strafford-sur-Avon, voici… Hamlet.

Auguste : (arrive avec une poêle à frire).

Clown : Mais… c’est pour quoi faire ?

Auguste : Et bien, l’omelette !

Clown : (se contenant) Non… nous devons jouer Hamlet (il prononce Hamlet à la française)… Hamlet, c’est le futur roi du Danemark.

Auguste : (comprenant) Ah bon, c’est comme la reine d’Angleterre ?

Clown : Non, du Danemark. Allez, poses cette poêle par terre, et vas te costumer en Prince ! (L’Auguste sort.)

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Clown : Mesdames et Messieurs, la scène se passe au Château d’Elseneur, et le jeune Hamlet va voir apparaître le spectre de son père. Place au Théâtre ! (Pendant la tirade du clown, l’Auguste est entré en piste, costumé en Prince d’opérette. Il va s’asseoir sur le rebord de la piste.)

Clown : Hamlet entre en scène ! (L’Auguste regarde en direction des coulisses)

Clown : (élevant le ton) Hamlet entre en scène ! (L’Auguste regarde à nouveau en direction des coulisses.)

Clown : (criant) Hamlet entre en scène !

Auguste : Alors ! il entre ou il n’entre pas !

Clown: Mais non ! C’est toi, Hamlet !

Auguste : (qui n’a pas l’air d’être très au courant) Ah, bon ?

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Clown : (lui explique) Tu dois dire : je n’ai peur de personne ! Alors dis ton texte, et pendant ce temps-là, je vais me préparer (il sort).

Auguste : (déclamant) Non, je n’ai peur de personne ! (élevant le ton) Non, je n’ai peur de personne ! (encore plus fort) Non, je n’ai peur de… (A ce moment, entre le clown se cachant le visage sous un drap blanc. L’Auguste est alors pris de panique, et va se réfugier dans le public.)

Clown : (se découvrant) Mais qu’y a-t-il ?

Auguste : Le fan-fan, le fantôme ?

Clown : Mais c’est moi. Allez, reviens !

Auguste : (reviens sur la piste) Qu’est-ce que tu fais en mariée ?

Clown : Voyons, je joue le rôle du spectre du père d’Hamlet.

Auguste : (rassuré) Ah, bon.

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Clown : (reprenant son rôle) Hamlet, me reconnais-tu?

Auguste : Ben, oui, c’est toi le clown !

Clown : (toujours pris dans son personnage) Hamlet, je suis ton père!

Auguste : Papa ! (il l’embrasse) .

Clown : Hamlet, je suis venu pour crier…

Auguste : Ne cries pas trop fort.

Clown : Vengeance ! Je veux du sang !

Auguste : Et moi, un bon steack-frites.

Clown : Je veux du sang.

Auguste : Et moi, du boudin blanc.

Clown : Hamlet, venges-moi… ou bien alors, tues-moi.

Auguste : (pour une fois, va enfin jouer son rôle convenablement) Non.

Clown : (le félicite) C’est très bien, tu l’as très bien dit.

Auguste : (très flatté, il cabotine) C’est vrai ? Tu ne dis pas ça pour me faire plaisir ?

Clown : Vraiment, tu as été parfait.

Auguste : Que veux-tu, c’est ça le talent !

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Randell - dessin
Randell

Clown : (reprenant son rôle) Hamlet, venges-moi, ou bien alors, tues-moi.

Auguste : Non.

Clown : Hamlet, venges-moi, ou bien alors, tues-moi.

Auguste : Non.

Clown : Non ! Oui !

Auguste : (ne comprenant plus) Comment ça ? Faudrait savoir !

Clown : (il explique) Tu dois dire deux fois Non, et une fois Oui !

Auguste : (comprenant enfin) Ah, bon, d’accord.

Clown : Je reprends une dernière fois. Hamlet, venges-moi ou bien alors, tues-moi.

Auguste : Deux fois Non et une fois Oui !

Clown : Et bien, sors ton sabre et tues-moi! (L’Auguste sort un sabre en bois de sa ceinture et se précipite sauvagement sur le clown.) Arrêtes, arrêtes. Tu dois me tuer comme au théâtre, en passant ton sabre sous mon bras.

Auguste : J’ai compris. (Il passe le sabre sous le bras du clown qui tombant à terre, entraîne l’Auguste dans sa chute.)

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Clown : Hamlet, que viens-tu de faire ?

Auguste : (en tombant, il a mis la main sula poêle) J’ai mis la main dans la poêle !

Clown : (toujours sérieux dans son rôle d’agonisant)  Hamlet, je râle…

Auguste : Ah, quel râleur !

Clown : Hamlet, je sens…

Auguste : Ah oui, tu sens mauvais !

Clown : Je sens… que je monte au ciel.

Auguste : Prends l’ascenseur, tu iras plus vite !

Clown : Ah, mon fils… envoies-moi un dernier baiser.

Auguste : Oui, mon Papounet. (Il envoie des baisers au public. Etant donné qu’il avait précédemment mis la main sur la poêle noire de graisse, il se retrouve le visage barbouillé de noirMusique de fin par l’orchestre. Le clown se relève et poursuit l’Auguste jusqu’en coulisses).

Le Livre du Clown - D. Denis
Le Livre du Clown

Dominique Denis

Sources 

Adaptation de : Le Livre du Clown – Dominique Denis – Éditions du Spectacle – Strasbourg – 1985.