Pionnier du one-man-show de la Belle Époque, Harry French a apporté une nouvelle dimension à l’acrobatie cycliste.

La troupe Géo French

Geo French - affiche

Geo French

Les French étaient déjà connus des Parisiens en 1877 chez Franconi. Le 30 avril 1886, ils débutèrent au Cirque d’Eté. Barnum and Bailey les engagèrent en Amérique en 1889.

Robert Barrier avait référencé un Cirque Français, en 1891, dirigé par Monsieur Henri French. la troupe French apparaissait sur la scène de l’Olympia en 1893. Georges Strelhy avait une grande estime pour la qualité de leur travail. Il considérait cette troupe comme une des meilleures du moment.

À cette époque, l’équipe était composée des enfants de Géo French. Il y avait Henri dit Harry, l’aîné, Lilly la grande soeur,  Arthur le cadet et enfin Eric, le benjamin. 

Le porteur de base était Harry qui pédalait avec vigueur sur un grand-bi. À leur répertoire, il y avait encore un équilibre de tête à tête par les deux garçons, et des sauts périlleux, en partant des épaules de leur soeur Lilly. 

Le gentleman-monocycliste

Ensuite, Harry décida de rouler pour son propre compte.

Sous l’appellation de gentleman-monocycliste,il se produisit en mars 1894 aux Folies Bergère,dans le même programme que Loïe Fuller. Nul doute qu’il obtint un franc succès car il fut réengagé en novembre 1895, puis en avril 1898. Entre-temps, il fit à l’affiche du Nouveau Cirque en septembre 1895.

C’est alors qu’il débuta une nouvelle carrière sous le nom – The Great Harry French – avec à son répertoire des exercices purement acrobatiques. Acrobate soliste, il évoluait sur un mono-roue en jouant de la mandoline. Portant son frère sur les épaules, il descendait un grand escalier en équilibre sur une roue de charrette. 

En rappel, il patinait avec deux petites roues fixées à ses chevilles par des lanières. Il s’agissait de patins américains Luders qu’il utilisait depuis son plus jeune âge. 

Mais, Harry avait d’autres ambitions… 

Une attraction kaléidoscopique – l’ouverture

Harry French - photo

Harry French – photo A. A.

Subjugué par l’époustouflant transformiste Léopold Fregoli, influencé aussi par l’universal act de Sylvester Schaeffer, il allait composer une attraction basée sur le concept du one-man-show.

Voici le détail de son spectacle : 

Lorsque le rideau s’ouvre, la scène est luxueusement décorée. Quatre assistants se tiennent en place pour accueillir Harry French  qui fait une entrée acrobatique à mono-roue.

Il salue l’assistance avec adresse et conclut en se débarrassant habilement de son chapeau.

Exercices de jonglerie

L’artiste débute son spectacle par des exercices de jonglerie.

– Lancers d’assiettes, suivis de rotations sur le doigt.  

– Gag de la glissade avec la participation d’un de ses assistants.

– Effet magique avec l’assiette aux tourterelles.

– Routine avec un chapeau, ses gants roulés en boule et une pièce de cinq francs.

– Effet comique lorsqu’il reçoit la pièce sur l’oeil, à la façon d’un monocle. Il s’amuse ensuite à  la faire passer d’une orbite à l’autre. Enfin, il la lance en l’air, et la récupère dans la poche de son gilet.

– Trick de l’oeuf lancé et rattrapé délicatement sur une assiette. L’exercice exécuté, pour prouver qu’il n’y a aucun trucage, ostensiblement il casse l’œuf en deux.

Les jongleries – suite

Joseph Hart - affiche

Affiche Joseph Hart

– Jonglerie avec un meuble de toilette, une cuvette en porcelaine et un broc. A la fin de la routine, il déverse l’eau du broc dans la cuvette.

– Gag des trois boulets de canon : Volontairement, il les laisse tomber lourdement sur le sol. Après avoir jonglé pendant quelques instants, il reçoit un des boulets sur la tête. Le public comprend néanmoins que la grosse boule est en caoutchouc peinte en noir comme les deux autres véritables boulets.

– Pour conclure, Harry French jongle avec trois revolvers qu’il fait joyeusement pétarader.

Séquence de transformiste 

Costumé en bandit d’opérette, Harry French se cache derrière un rideau, laissant à vue la tête et les épaules. Entre alors un agent de police qui lui met la main au collet. Surprise ! Le bandit s’avère n’être qu’un mannequin. Le policier se découvre, et c’est Harry !

Aidé par un de ses valets, il déploie un grand coupon de tissu. Le temps de le lever et de l’abaisser, une jeune femme fait son apparition. Mais où est passé Harry ? L’assistant enlève sa moustache et sa casquette. C’est Harry French !

Séquence du peintre chiffonnier : Cette attraction au charme désuet est pratiquement oubliée de nos jours. Sur un grand panneau encadré d’or posé sur un chevalet, Harry dispose artistiquement des morceaux d’étoffes. Sa composition terminée, le public découvre alors que l’artiste a réalisé en deux temps trois mouvements, un tableau digne d’un musée.

Apprenti cycliste, maestro et mage oriental 

Cette parodie du cycliste malhabile ne pouvait que réjouir nos aïeux. Ils étaient en mesure d’apprécier le piquant de la situation. En raison de ses talents de comédien et de sa solide formation acrobatique, Harry French apportait à son interprétation une force de persuasion peu commune.

Galerie de portraits de musiciens : Série d’imitations de chefs d’orchestre célèbres. Le public d’alors avait une culture musicale étendue. Il était parfaitement capable de faire la différence entre tel ou tel maestro. Ce qui expliquait le succès de  ce genre de parodie. 

Féerie orientale : Pour le final, Harry French revient costumé en chinois de music-hall. D’un tapis d’orient, il fait apparaître une basse-cour au grand complet et en prime deux petits africains.

Rideau !    

La famille French

À monocycle - French

À monocycle

À monocycle - French

À monocycle

Harry French revint à Paris, en 1902, à l’Olympia. Outre-Atlantique, il se produisit à l’Orpheum de San Francisco, en juin 1905. 

Depuis cette date, il a emprunté un itinéraire, incluant les Indes, assez difficile à suivre…

Le patronyme de French existe encore de nos jours. Comme c’est l’usage dans le monde du cirque, les histoires familiales sont très complexes à suivre. Souvent, les enfants possèdent le même prénom que leurs parents, grands-parents ou oncles et tantes. Les remariages sont fréquents. Il n’est pas rare qu’un enfant porte le nom de son beau-père ou mieux de son père d’élève… dans les cas les plus simples !

L’artiste Harry French

Incontestablement, Henri dit Harry French s’imposa au Music-Hall avec bonheur, sachant agrémenter son travail en utilisant les ressources de la mise en scène, en émaillant les situations d’effets magiques ou comiques. Par A + B, il a prouvé que la fantaisie, la comédie, l’humour n’étaient pas réservés uniquement aux comédiens ou aux clowns. 

Les arts du Cirque et du Music-hall venaient de s’enrichir de nouveaux modes d’expression. 

Incontestablement, Harry French a apporté une nouvelle dimension à l’acrobatie cycliste.

Dominique Denis

Extrait et adaptation de : One-man-show de la Belle-Époque – Les comiques à bicyclette – Dominique Denis.

Sources

  • Les comiques à bicyclette – Dominique Denis.
  • L’Acrobatie et les Acrobates – G. Strehly.
  • Affiches : Géo French – Les enfants French – French’s Troup – Henri French (Joseph Hart Vaudeville).
  • Photos : The Snow Family on Skate – portrait Henri French – frères French.
  • Illustration Christelle Denis.
  • Notes des demoiselles Vesque – A. T. P.
  • Notes manuscrites de Tristan Rémy.
  • Rollermania – Sam Nieswizski.
  • Quel Cirque – Elizabeth Chopin.
  • Olympians of the sawdust circle – William L. Stout.
  • Programmes des Folies Bergères 1894-1895-1898.
  • Nouveau Cirque – Paris de la Belle Époque – Dominique Denis.
  • Mythologie du Merveilleux – Max Dif.
  • Interview de Lucienne Laurent, née Loyal.
  • Les Clowns – Tristan Rémy.
  • Le sens de l’équilibre – Adrian.
  • Forains d’hier et d’aujourd’hui – Jacques Garnier.
  • Sur les Sosman et les Chabre – Robert Mulle – Le Cirque dans l’Univers –  n° 84.
  • Grand répertoire illustré des cirques en France – Robert Barrier.
  • À la découverte des cirques ambulants – Robert et Philippe Barrier.

A lire : 

Les comiques à bicyclette – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes – Paris – 1998.