Hommage à Mireldo – le magicien des grandes illusions – un artiste créateur passionné, respectueux de l’art magique par Alain Chevillard. 

par Alain Chevillard

Le sorcier

EGNIM - affiche de de Max
EGNIM – affiche

Mireldo, à l’état civil Henri Chrétienneau, naquit le 21 juin 1910 à Courgent (78) dans une famille hors des circuits artistiques puisque son père était jardinier.

A l’âge de 13 ans, dans le grenier d’un vieil oncle original, il découvrit un ouvrage qui l’intrigua et le passionna Comment on devient sorcier. Trois cent cinquante pages où étaient développées les cent façons de découper et d’embrocher une partenaire. Quelques mois plus tard, il connaissait par cœur toutes les explications et secrets décrits. 

A l’occasion d’un réveillon, s’étant procuré une scie qu’il avait adaptée, Henri découpa sa première partenaire, une cousine de province, devant père et mère, le vieil oncle original et quelques amis. Le succès fut immédiat. 

La liberté

Sa scolarité terminée, Henri se fit engager au Crédit Commercial de France. Un an plus tard, il fut promu caissier. Son avenir se jouera un soir de 1938, où, pour la fête annuelle du Crédit Commercial, il prépara le découpage d’une de ses collègues. La réussite fut totale. 

Le lendemain, il fut convoqué par le directeur général, qui, ayant perçu un réel talent naissant, lui déclara : «Votre avenir est au Cirque. Vivez votre vie de magicien. Je vous rends votre liberté. Et, si vous ne réussissez pas, revenez me voir. Je vous rendrai votre caisse ». 

Cet homme avisé ne revit jamais son caissier….

Au cours de sa longue carrière, Henri Chétienneau utilisa pour se produire de nombreux pseudonymes comme Donax Mireldo, De Max Mireldo, Mirel Corvelli, Eryckson, Samson.

Agosta Meynier

Lors de son service militaire, avec un jeune magicien, conscrit comme lui, ils présentèrent, en se dénommant Donax Mireldo et Charlix, des spectacles de magie dans les foyers du soldat.

Donax Mireldo fit la connaissance et se lia d’amitié avec Agosta Meynier, premier Président de l’Association Syndicale de la Prestidigitation et créateur du Journal de la Prestidigitation qui orienta et propulsa sa carrière. Il s’en suivit un premier prix dans la catégorie des Grandes Illusions décerné en 1952 par la FISM (Fédération internationale des Sociétés Magiques). 

La création magique était pour lui une obsession permanente. Épris d’action, animé par des idées originales et fortes, Mireldo sut patienter quelques années pour goûter aux joies de la célébrité. 

Une magie pour les chapiteaux

Cirque National Eryckson
Au Cirque National sous le nom de Eryckson

Notre Mireldo exerça la première partie de sa fabuleuse se carrière dans les cirques à une époque où les choses se passaient plus simplement. On se présentait… Si le talent était là, on était engagé. 

Le monde était plus petit, les magiciens de cirque n’étaient pas légion, se connaissaient, éventuellement s’épaulaient. 

Ingénieux et ingénieur, créateur ou adaptateur, Mireldo, toute sa vie, construisit et réalisa lui-même l’ensemble de ses illusions, en grande partie dans son atelier de Bagnolet où il résidait. Il savait trouver les dispositifs troublant le spectateur et pervertissant sa vision par altération du mouvement. 

Dickmann

De nombreuses années durant il fabriqua pour l’Institut International de Magie de Dickmann- Minanolo, les appareils de prestidigitation et d’illusions que ce dernier proposait, dans son magasin parisien. 

Au décès de Dickmann, sa veuve lui demanda de l’aider à tenir le magasin. Cela ne dura que quelques mois car le désir de repartir en tournée reprit le dessus.

Pour pouvoir travailler en piste où il était pratiquement entouré par les spectateurs il lui fallut modifier ou créer ses illusions.

La vie du Cirque

Non, Mireldo n’était pas issu du monde du Cirque. Néanmoins il sut y vivre en harmonie avec ses artistes. Il y fut toujours considéré et respecté. La seule condition qu’il exigeait dans ses contrats était de ne pas participer au montage des chapiteaux ou à toute autre occupation qui sortait de son domaine, la magie. Pour le placement et la vente du programme, il se faisait remplacer en rétribuant un autre artiste souvent heureux de l’aubaine.

Pour cette période Cirque, qui s’étala sur une vingtaine d’années, il fit des saisons complètes ou partielles, quelquefois entrecoupées de galas ou contrats divers. Afin de  pouvoir doubler un contrat dans le même établissement il changeait d’illusions et de pseudonyme.

La femme sciée

Mireldo - colombes
Mireldo – la chasse aux colombes

Son épouse fut un temps sa partenaire. Dans l’illusion de la femme sciée, il allait la chercher dans le public. Il la choisissait contre son gré, elle résistait. Il s’en suivait une véritable comédie hilarante. Sa fille Viviane lui succéda en piste dès l’âge de 8 ans.

Le magicien Mireldo fut à l’affiche des plus grands établissements : Cirque Pourtier (1951), Cirque de Roubaix, Cirque Semay (1951)… Radio-Circus (1952), Cirque National, Cirque Rancy (1953)… Cirque Demuyck (Belgique), Cirque Amar, Cirque d’Hiver... Festival du Cirque (1958) avec Bocky et Randel, Direction Franki… Cirque Pinder (1960), Cirque Spirou (1960) avec Gilbert Richard et Jean Nohain… Cirque Knie… les tournées Holiday-on-Ice (construction d’illusions)… plus tardivement le chapiteau de l’École Annie Fratellini. 

À Medrano

Jérôme Medrano le sollicita de nombreuses fois pour se produire, sur la piste du boulevard de Rochechouart, en compagnie de sa fille Viviane. Le chaudron magique était son illusion préférée (Un grand chaudron était posé au milieu des flammes. On le remplissait avec de multiples seaux d’eau. Viviane en sortait par enchantement).

On le retrouva, en 1959, au Châtelet, présentant cette même illusion du chaudron dans l’opérette Le Secret de Marco Polo de Francis Lopez, avec Luis Mariano en vedette.

À la fin des années 60, se termina l’âge d’or du Cirque. Les directeurs, par souci d’économie, recherchèrent des artistes en mesure de se produire avec plusieurs numéros différents. Sans doute, Mireldo comprit que ses prestations devaient être mises au goût du jour, et que les contrats étaient ailleurs. 

Des grands music-halls aux tournées 

Alors, il se tourna vers le music-hall, les cabarets, les galas, et les tournées internationales. Le virage débuta lorsque Viviane fut repérée par Madame Thomas, la directrice du Musée Grévin. 

Agée de 12 ans, elle devint, pour l’année 1963, la titulaire de la baguette de magicien(ne) du Cabinet Fantastique. Son papa qui avait créé le numéro, en monta un autre parfaitement adapté au lieu. En 1964, il prit la relève de sa fille, pour une année. Les portes des Congrès magiques internationaux s’ouvrirent alors devant eux.Cette décision d’évolution de sa carrière fut un élan de vie inespéré qui libéra une énergie créatrice intense.

L’époque était alors aux spectacles de music-hall, avec, en première partie, la vedette américaine et des numéros divers, la seconde partie étant consacrée à la vedette. C’est ainsi qu’il se produisit de nombreuses fois, en première partie de l’Olympia ou de Bobino.

André Sanlaville

Mireldo - la femme sciée - affiche
Mireldo et la femme sciée

Sa notoriété lui procurait de nombreux galas d’arbres de Noël et d’entreprises.

André Sanlaville, un ancien magicien devenu producteur, contribua au développement de l’art magique en créant, avec les meilleurs magiciens de son temps, Le Festival Mondial de la Magie. À quatre reprises, à l’Olympia et dans les tournées à travers la France Mireldo y collabora. Ces mêmes tournées Sanlaville le menèrent à se produire à travers l’Europe, l’Afrique, Tahiti, le Moyen-Orient et le Canada. 

Avec le producteur allemand Werner Hornung, il participa, de 1969 à 1971, à de grandes tournées en Allemagne se produisant, soit avec  sa fille Viviane, soit chacun d’eux travaillant séparément.

L’Union des Artistes

Sa contribution aux Galas de l’Union des Artistes, à l’époque où cette manifestation se tenait au Cirque d’Hiver, dura 22 ans. Les artistes, illusionnistes d’un soir, lui demandait de leur régler (au mieux) un numéro pour cette prestigieuse soirée. 

On pouvait voir Mireldo en tenue de garçon de piste, devant la gardine, surveillant du coin de l’œil ses élèves d’un soir, prêt à parer à toute défaillance. 

À ces occasions, il noua des relations amicales avec nombre de ses apprentis… notamment avec Robert Lamoureux avec qui il présenta une parodie de magiciens orientaux déjantés, Robert et Paulo

Mireldo coiffé d’une cagoule

Lorsqu’il se produisait sur scène, Mireldo avait les pompiers de service en horreur qui lors des répétitions devaient de rester en coulisses. Parfois, il les accusait de percevoir les secrets de certaines illusions. 

À plusieurs reprises, il lui est arrivé de s’arrêter dans une forêt, sur le chemin d’un spectacle et de répéter, revêtu de son costume, l’illusion du décapité avec sa partenaire. Ainsi habillé en bourreau, coiffé d’une cagoule, il tranchait à la hache sur un billot la tête de cette partenaire et, la saisissant toute sanguinolente, la déposait à côté du corps décapité. On imagine la stupéfaction d’un promeneur découvrant cette épouvantable scène en pleine forêt !

Ce numéro de décapitation fut à l’origine de fauteuils cassés à l’Olympia, pour le plus grand plaisir de Bruno Coquatrix. Les fauteuils étaient bien assurés et les articles qui paraissaient dans toute la presse n’étaient que publicité gratuite.

Viviane, partenaire et soliste

Poignard dans le bras - Mireldo - photo A. A.
Le poignard dans le bras par Mireldo – photo A. A.

Viviane Mireldo, qui a été élève à l’École du Spectacle, a travaillé en piste avec son père dès l’âge de huit ans : Cirque Francki, Pinder, Médrano… Musée Grévin, les tournées Sanlaville et Hornung… Festivals Mondiaux de la Magie, l’Olympia, Bobino… 

Pour diminuer la différence d’âge, entre son père et elle, elle portait une perruque brune, un costume Vicaire et des talons hauts. 

Par la suite, elle contribua largement à l’évolution de la carrière de son père par les innovations,  le relookinget une mise en scène nouvelle qu’elle apporta aux numéros présentés.

Une panthère

Lors d’un passage à l’Olympia, Bruno Coquatrix lui dit : « Viviane, vous avez des yeux de panthère. Si vous montez un numéro avec une panthère, je vous engage dès qu’il est au point ».

C’est alors qu’elle dit à son père : « Papa je ne peux pas laisser passer une telle chance. Je me lance seule dans les grandes illusions ».L’année suivante, elle était seule sur la scène de l’Olympia avec un guépard préparé par Marcel Lesourd, dresseur d’animaux pour le cinéma.

Ainsi débutait vraiment la carrière de celle qui devint une des plus grandes et seules artistes féminines en grandes illusions de son époque. En seulement cinq ans, on la vit au Sporting de Monte-Carlo, au Ruhl de Nice, aux Folies Bergères (3ans), au Savoy de Londres, au Lido de Paris.

Marc Métral

Mais c’était sans compter sur l’intervention de Cupidon. Elle arrêta son destin éclair en 1978 pour épouser le ventriloque Marc Métral dont elle partage depuis la carrière internationale. Souvent, elle co-écrit ses textes, le met en scène et élabore les éclairages de ses numéros. 

Pour son gendre Marc Métral, Mireldo construisit les corbeaux insolents qui interrompent sans cesse son numéro. Ils sont toujours en fonction depuis plusieurs dizaines d’années,.

Fatigué, l’âge venant, Mireldo mit fin à sa carrière vers la fin des années 1978. Il décéda, à 84 ans, le 5 août 1994 à Bagnolet (93).

Maestria


La force de la magie est de rester ambivalente et d’ouvrir au questionnement par l’émotion. Incontestablement, Mireldo démontra toute sa maestria en faisant passer ses prouesses magiques pour des exercices de routine. 

Est-ce que la magie moderne serait ce qu’elle est si Mireldo, avec quelques autres confères, n’avaient en leur temps incarné une évolution que les techniques modernes ont sublimée ? 

Alain Chevillard. 

Adaptation de : Mireldo – le magicien des grandes illusions par Alain Chevillard, article paru dans la revue Le Cirque dans l’Univers – n° 260, en 2016. 

Sources

Article : Mireldo – le magicien des grandes illusions – Alain Chevillard –  Le Cirque dans l’Univers – n° 260.