Adaptation de l’article intitulé Cirque et Cyclisme, des points communs par Bernard Bodiguel dans la revue Bretagne circus – n° 205.

Par Bernard Bodiguel

Cirque et Cyclisme

Les vélos chez Barnum
Les vélos de Barnum

Cyclisme. Depuis la vulgarisation de la bicyclette dans les années 1860, des artistes se sont servis de ce moyen de locomotion pour exercer leurs prouesses acrobatiques à travers des numéros aussi divers qu’exceptionnels. 

Mais tel n’est pas là notre propos, ce sujet ayant été traité par des historiens du cirque dont notre ami Dominique Denis dans son excellent ouvrage Les comiques à bicyclettes, publié en 1998. 

Ma réflexion est tout autre. J’ai remarqué, au fil des relations nouées depuis maintenant près de cinquante ans, que nombre d’aficionados du cirque sont également férus de sport cycliste. Cela m’a donc amené à rechercher des explications sur cette passion commune.

L’aspect visuel

Il me semble, en premier lieu, qu’il pourrait s’agir d’un aspect visuel qui est plus particulièrement le fait des grands cirques itinérants et des courses cyclistes par étapes les plus connues. 

Dans les deux cas, on y trouve pléthore de véhicules, qu’ils soient affectés au transport du matériel, au logement du personnel, des artistes et des animaux pour le cirque ou destinés à la promotion de la publicité, au déplacement des officiels et des personnels d’assistance pour les courses cyclistes. À ce propos, on pourra d’ailleurs constater que certaines personnes sont plus intéressées par les convois que par le spectacle de cirque en lui-même ou par la caravane publicitaire plutôt que par la compétition sportive. 

Les cavalcades

Cyclisme à l'Hippodrome
Cyclisme à l’Hippodrome – 1869

Les plus anciens d’entre nous se souviendront avec un brin de nostalgie des longues files de véhicules aux couleurs chatoyantes des cirques Pinder, Amar, Bouglione, Radio-Circus… faisant leur entrée en ville dans les années cinquante et soixante, parfois aux sons d’une musique de fanfare pour avertir les habitants.

Certains établissements poussaient même le luxe jusqu’à posséder des chars destinés à défiler dans les principales artères des villes visitées. C’est ainsi que le Cirque Pinder mettait en exergue, sur les affiches ou dans la presse, sa superbe cavalcade, laquelle se mettait en mouvement au heures de midi ou en fin d’après-midi, au moment de la sortie des usines, des bureaux et des écoles. 

La publicité

C’était là, la résurgence d’un moyen de publicité que le Cirque Pinder avait déjà utilisé bien longtemps auparavant, avec traction hippomobile, au début du siècle. 

Pendant quelques années, le cirque des frères Amar et celui des frères Bouglione offrirent eux-aussi aux badauds une cavalcade, mais de moindre importance.

Si ce type de publicité a pratiquement disparu aujourd’hui des cirques itinérants, notamment en raison des problèmes de circulation, il n’en demeure pas moins très présent lors des grandes courses cyclistes par étapes. C’est le cas de notre Tour de Franceau sein duquel les premiers véhicules publicitaires ont fait leur apparition dans les années trente.

Véhicules des caravanes

Que de souvenirs là aussi, remontant aux années cinquante et soixante, avec ces superbes véhicules spécialement conçus par des carrossiers de renom ! 

Aujourd’hui, la caravane publicitaire, avec ses voitures et camions aux formes et couleurs chatoyantes, précède toujours le peloton des coureurs. Profitons-en pour rappeler, à titre d’anecdote, que quelques véhicules de la caravane du Tour de France ont eu une seconde vie au cirque comme ceux des marques d’apéritif Cinzano et de pneumatiques Kléber-Colombes chez les frères Francki ou celles d’appareils ménagers Frigeavia et des Vins du Postillon chez Pinder.

Ce caractère de fête populaire (et gratuite) se retrouvait dans les animations organisées par certaines firmes dans les villes-étapes au soir de l’arrivée ou dans certains cirques comme le Radio-Circus des Gruss-Jeannet ou le Cirque Bouglione, notamment sous le patronage des stations radiophoniques Radio-Luxembourg et Radio Monte-Carlo.

Convergences

Ces convergences peuvent encore s’expliquer par le mode itinérant des deux spectacles, avec cette notion de découverte impatiente et joyeuse de l’arrivée de la caravane publicitaire ou des premiers convois du cirque…et ce côté éphémère qui engendre une certaine mélancolie lorsque tout a disparu pour rejoindre la prochaine ville-étape, laissant ce fameux rond de sciuresur la place ou quelques barrières, bientôt récupérées par le service de voirie, aux abords de la ligne d’arrivée.

Si ces événements concernent les grandes cités ou les villes moyennes, il ne faut pas non plus oublier l’importance revêtue dans les villages par le passage d’un petit cirque ou par la course cycliste indissociable de la fête annuelle.

Performances

Robic - Amar - 1958
Robic au Cirque Amar

Il existe aussi un autre point commun, cette fois au niveau du spectacle ou de la compétition, qui fait l’admiration des spectateurs, c’est celui de la performance, que ce soit dans l’accomplissement des numéros par les artistes de cirque ou dans les exploits réalisés par les géants de la route

À ce titre, il convient de signaler cette anecdote. Un coureur cycliste de haut niveau, le parisien Roger Gaignard, connut les deux types de piste: Tout d’abord celle du cirque en tant que clown blanc en compagnie d’un Auguste qui n’était autre que son père, puis celle des vélodromes où il remporta de nombreux titres nationaux et internationaux, dans la discipline de la vitesse, dans les années cinquante et soixante.

Pinder et Amar

On se souviendra également de la participation de coureurs cyclistes aux spectacles des cirques Pinder et Amar.

Après avoir fait appel au boxeur Marcel Thil et au lutteur Charles Rigoulot en 1936, Charles Spiessert, le patron de Pinder, engage pour la tournée de 1937 quatre champions cyclistes de renom : Charles Pélissier, André Leducq, Pierre Magne et Ferdinand Le Drogo. Ceux-ci, qui sont en fin de carrière, s’affrontent, en trois manches, sur des rouleaux (home-trainers), lors de chaque représentation.

En 1958, le Cirque Amar intègre à son tour à son spectacle ce type d’attraction avec Jean Robic, Louis Caput, Roger Chupin et Raymond Guégan. 

Ils partagent la vedette avec le champion du monde de boxe Alphonse Halimi et … Achille Zavatta, le « clown le plus payé du monde » 

L’aspect festif et populaire

On peut aussi rappeler qu’au tournant du vingtième siècle, s’il était de bon ton pour le Tout-Paris de se montrer dans les cirques parisiens et d’y côtoyer les belles écuyères, ce même public se pressait également sur les gradins du vélodrome Buffalo à Neuilly pour y applaudir les premiers champions cyclistes, des lieux où Henri de Toulouse-Lautrec puisa son inspiration pour plusieurs de ses œuvres.

Nous n’avions pas, par ces quelques lignes, la prétention d’apporter de véritable explication à cette passion commune. Elles auront toutefois permis de constater des rapprochements, notamment dans l’aspect festif et populaire du cirque et des courses cyclistes, deux disciplines malheureusement souvent remises en cause aujourd’hui par des esprits chagrins, au nom de certaines idéologies !

Bernard Bodiguel

Sources

Article : Cirque et cyclisme, des points communs – Bernard Bodiguel –  Bretagne circus – n° 205 – juillet 2021.