Salonne & Medrano trapézistes – adaptation extrait de : Medrano Boum Boum par Dominique Denis aux Éditions Arts ds 2 Mondes – Paris – 2012.
Le trapèze volant
Salonne et Medrano trapézistes : Jules Léotard suscita bien des vocations, et en moins d’un an, plusieurs gymnastes se lancèrent à leur tour à la conquête du trapèze volant.
Parmi les premiers, il y eut, Louis Godefroy, chez Renz à Berlin,… Alexandre Stekel, au Circo Alegria en Espagne,… Dezèdre, au Zirkus Suhr, en Allemagne,… ou encore Victor Julien en Grande Bretagne. Devenue une discipline à part entière, la voltige au trapèze volant fut pratiquée par des artistes de classe tels les frères Alexandre et Théodore Loyal.
Après Berlin, Saint-Pétersbourg, Londres, New York, Jules Léotard, étoile incontestée du Cirque, se produisit à Madrid, au Circo del Principe Alfonso. Gaetano Cinisell. dirigeait. Ce cirque, qui appartenait à Simon de la Rivas, situé à la Fuentes-Castellana, une des plus belles avenue de la capitale, était fréquenté par la haute société madrilène.
Une vocation
Un jeune garçon, Geronimo Medrano, fut captivé par les exploits de Léotard. Cet adolescent, né à Madrid le 30 septembre 1849, était le fils de Candido Medrano (originaire de Guadalajara) et de Magdalena Pérez.
Doué pour la gymnastique, il réussit à se faire admettre comme élève par Balaguer. Cet artiste de cirque renommé, réputé pour son travail aux agrès, était surnommé le trapézien,
Émule de Léotard
Geronimo, âgé d’à peine vingt ans, décida de voler de ses propres ailes. Avec son ami Léopold Salonne, il monta un numéro de trapèze volant au porteur.
Les artistes aériens étant encore relativement rares, ils ne tardèrent pas à décrocher des contrats dans leur pays, à Madrid, au Circo del Principe Alfonso, et au Circo Paul Teatro de Novedades. Ensuite, ils passèrent au Circo y Teatro del Principe à Barcelone… au Teatro de la Princesa à Valence… au Circo Price à Cadix… chez Ciniselli à Séville.
Puis, ils se produisent ensuite à Lisbonne, au Circo del Principe Alfonso,…à Genève… dans les plus grandes villes d’Italie, au Politeama Romano de Rome, au Teatro Alfieri de Turin ou au Teatro Bellini de Naples.
Les années passèrent, et ils furent engagés dans d’autres cirques comme Ciniselli, Guillaume, Circo Belling, Americano, Gillet, Madame Franconi, ou Davide Guillaume. Aussi, ils parcoururent la France, dans des théâtres, concerts, casinos, arènes, ainsi qu’au Cirque Rancy, à Marseille et à Nantes.
Chez le Khédive d’Egypte
Dans leur notice publicitaire, Salonne et Medrano, précisaient qu’ils s’étaient produits au Cirque Royal d’Ismaïl Pacha, Khédive d’Egypte, à l’occasion de l’inauguration des fêtes du canal maritime de l’isthme de Suez, le chef d’oeuvre de Ferdinand de Lesseps. Le Vice-roi d’Egypte, un grand francophile, ancien élève de l’école Polytechnique, avait organisé des fêtes somptueuses avec des spectacles venus de France, de l’opéra à la comédie en passant par le cirque.
Théodore Rancy et sa troupe furent engagés pour y donner une série de représentations au Théâtre Kars-el-Ali, une salle circulaire, avec une piste aménagée. De nombreux monarques furent invités à ces cérémonies comme l’empereur d’Autriche François-Joseph ou l’impératrice Eugénie. Champollion et Théophile Gautier en tête, firent le voyage pour assister à cette fastueuse inauguration, qui fut décrite par Jacques Garnier dans son excellent ouvrage Théodore Rancy et son temps.
Les Pompiers de Nanterre
D’après les journalistes présents, un des numéros qui eut le plus de succès fut le quadrille grotesque, sur l’air des Pompiers de Nanterre, le grand succès du chanteur Paulus. Ce ballet comique était interprété par Salonne, Medrano, Sanchez et Schkoty.
De retour en Europe, les deux gymnastes se firent également apprécier en Angleterre, à Liverpool, Bradford et Manchester, au Prince’s Theater.
Geronimo fut remarqué par la danseuse étoile Rita Sangalli, qui le prit comme partenaire pour un pas de deux.
Aux Champs-Élysées
En juillet 1872, nos deux gymnastes eurent l’insigne honneur de voltiger sous la coupole du Cirque des Champs-Elysées, dénommé alors le Cirque d’Eté. Cet établissement, qui fut d’abord un simple chapiteau, puis une construction en bois, était dirigé de main de maître par Louis Dejean, secondé par Adolphe Franconi et Ferdinand Laloue.
Ce monument en pierre, construit de 1841 à 1843 par l’architecte Jacques Hittorf, fut d’abord appelé le Cirque d’Eté puis Cirque National des Champs-Elysées, Cirque National de Paris, Cirque de l’Impératrice, et enfin reprit sa première appellation après l’effondrement du second Empire. Il devint le cirque le plus prestigieux du monde. Les représentations attiraient une clientèle huppée composée des membres éminents du Jockey Club et des lions de la capitale.
Trapèze au porteur
Les gymnastes aériens Salonne et Medrano étaient alors à l’apogée de leur carrière. Cet engagement fut pour eux une véritable consécration.
Alors que Léotard voltigeait de bâton à bâton, Salonne et Medrano, eux, pratiquaient ce qui est appelé le trapèze volant au porteur.
Le journaliste Biéville du Siècle décrivit un de leurs exercices qui consistait à se lancer de leur plate-forme jusqu’à une corde placée à trois mètres de là. Par contre, il ne précisa pas lequel des deux gymnastes accomplissait ce saut, ni qui était le porteur ou le voltigeur.
Comédie acrobatique par Salonne & Medrano
D’après leur iconographie, les agrès étaient suspendus à un portique. De part et d’autre, pendait un trapèze, servant de plate-forme. Le porteur, les bras tendus, était en suspension par les jarrets, les jambes croisées, à une simple barre, et attrapait le voltigeur qui s’élançait de son trapèze en grand ballant.
Enfin, pour se démarquer de leurs confrères, ils présentaient leurs exercices sur un mode comique, ce qui était une nouveauté pour l’époque.
Dans La Liberté, le chroniqueur du journal écrivit :
» … M. Dejean vient de produire deux gymnastes nouveaux, Salonne et Medrano, dont les débuts ont été chaudement accueillis par les amateurs. Leurs exercices, pour être gracieux, n’en sont pas moins d’une grande hardiesse. Le concours de ces deux clowns apportera un attrait de plus aux soirées du Cirque des Champs-Elysées… «
Après ces exploits, un bel avenir s’annonçait pour Salonne et Medrano…
Dominique Denis
Sources Salonne & Medrano
Medrano Boum Boum – Dominique Denis.
Dictionnaire illustré des mots et locutions du Cirque – Dominique Denis.
Histoire des cirques parisiens – Adrian.
Cirques en bois, Cirques en pierre de France – C. Degeldère et D. Denis.
La course aux trapèzes volants – Pierre Lartigue.
Léotard – La Culture Physique – 15/4/1908.
L’Acrobatie et les Acrobates – G. Strehly.
Louis Dejean – H. Thétard – Music-Hall – n° 90.
La Merveilleuse Histoire du Cirque – Henry Thétard.
Monsieur Loyal – Lorenzo Frediani
Suite sources Salonne & Medrano
Victorian Arena – John Turner.
Notice publicitaire Salonne et Medrano.
L’Emancipation de Toulouse – 24/8/1869.
Les Théâtres – La Liberté – 20/7/1872.
Jules Prével – Le Figaro – 30/5/1875.
Une vie de cirque – Jérôme Medrano.
La storia di J. Medrano detto Boum-Boum – J. Medrano figlio – Circo – avril 1984.
Théodore Rancy et son temps – J. Garnier.
L’Illustration – 6/11/1869.
Notes Paul Haynon.
Cirque des Champs-Elysées – Biéville – Le Siècle – juillet 1872.
Les Théâtres – La Liberté – 20/7/1872.