Koringa, attraction vedette, entourée de pythons et d’alligators géants était annoncée comme étant la seule femme fakir au monde. 

Par Belmonte Bates

La femme fakir - affiche
La femme fakir

Danseuse avec Blacaman

Maria Bernard, dite Renée Bernard ou Surja Koringa, née le 16 janvier 1908 à Bordeaux, fille de Hippolyte Bernard et de Marie Hortense Coureau, se destinait  à la danse. 

Elle eut la chance de trouver un emploi en tant que danseuse dans la troupe du fakir célèbre Blacaman qui tournait en France.

Alors que d’autres danseuses se contentèrent de leur rôle d’assistant, Renée observa attentivement le travail de son employeur. Blacaman était réellement un artiste de grande classe. En le voyant apparaître, le public était persuadé qu’il était un authentique indien. Lorsqu’il présentait une série d’expériences de fakirisme spectaculaires, puis fascinait lions, serpents et alligators, le public était persuadé qu’il avait affaire à un authentique indien aux pouvoirs infinis.

Initiation aux mystères orientaux

Patiemment, Renée chercha d’abord, à percer les secrets de ses expériences de fakirisme. Ayant assimilé les arcanes de cet art, elle étudia le comportement des reptiles et des sauriens, comment les approcher et les manipuler avec soin.

Enfin, grâce à son mentor, elle comprit l’importance de la présentation qui pouvait transformer un travail classique en une œuvre d’art.

Prenant exemple sur son modèle, elle se composa un personnage venu des Indes lointaines appelée Koringa. 

Dans le faisceau d’un projecteur, elle apparaissait, étrange, vêtue d’un simple pagne, la tête surmontée d’une épaisse chevelure d’un noir de geai, et maquillée d’une teinte verdâtre suggérant un séjour dans l’au-delà.

Les secrets des fakirs

Koringa -  Bertrram Mills
Koringa au cirque Bertram Mills

Son curriculum vitae précisait qu’elle était une orpheline recueillie à l’âge de trois ans par des sages hindous. Ses maîtres lui enseignèrent les secrets des mystères profonds et millénaires qui ne se transmettent qu’à de rares élus. Une fois reçue la bénédiction des ses gourous, elle fut autorisée à partir sur les routes du monde profane.

C’était exactement ce que les journalistes friands d’exotisme voulaient savoir.

Se sentant enfin prête, elle monta son numéro de vingt minutes. Au répertoire :

Le corps transpercé avec des aiguilles… le  lit de tessons de verres… l’escalade, les pieds nus, sur une échelle de sabres effilées avec suspension sous le menton… la masse de pierre brisée sur le ventre… la crémation dans un cercueil… la danse mortelle avec les serpents… et la confrontation implacable avec les crocodiles géants. 

Au Bertram Mills Circus

Prête à se lancer sur le marché des attractions, la chance lui sourit. La revue Look,dans son numéro du 28 septembre 1937, lui consacra sa couverture en couleur et une page entière de photos.

Cyril Mills lui signa un contrat pour l’Olympia de Londres du 22 décembre 1937 au 27 janvier 1938. 

L’énigmatique Surja Koringa trônait en tête d’affiche. Son contrat fut prolongé pour la saison sous chapiteau, puis l’hiver suivant, à Glasgow. A nouveau, elle repartit avec le Bertram Mills Circus pour la saison 1940 qui, malheureusement, s’arrêta à cause de la guerre.

Les grandes maisons

De simple attraction, Koringa était devenue une vedette. Les engagements se succédèrent, dans les plus grands cirques et music-halls, et à chaque fois en haut de l’affiche. 

Son numéro évolua au fil du temps. Elle supprima certains effets de fakirisme comme la crémation, durant trop longtemps.  Sur son front, elle enjoliva sa chevelure de fleurs  et dessina une croix de Lorraine. 

Parmi les plus remarquables de ces grandes maisons, citons en Espagne, l’Olympia de Barcelone et Price à Madrid… en Grande-Bretagne, Bertram Mills et Reco… en Italie, Darix Togni…au Danemark, Miehe… en Afrique du Sud, Boswell (en 1949 et 1958)… en Suède, Scott (1950)… en France, Napoléon Rancy à Amiens (1952) Cirque d’Hiver Bouglione à Paris (1953 et 1968), Medrano (22 mars au 21 avril 55) et Pinder (1956)… en Belgique, Royal de Bruxelles… en Allemagne, Franz Althoff (1963 à 1968).

Les journalistes en embuscade

La revue Look - couverture
La revue Look

Pour le plus grand bonheur des directeurs de cirque, les journalistes accouraient la photographier et la questionner. La plupart se contentèrent de recopier le sempiternel communiqué de presse qui leur était proposé. 

Heureusement, de temps à autre, certains comme Serge ou Paul Carrière – pour ne citer que des français – se donnaient la peine d’apporter une note personnelle. 

Dans Libération, en mars 1953, Robert Fuzier débutait son papier ainsi : 

« …Si notre mère Ève s’était appelée Koringa, comme la femme présentée actuellement dans le paradis en tapis-brosse des Bouglione, nul doute que bien des désagréments nous auraient été épargnés.  Koringa, en effet, ne se laisse pas influencer par le serpent ! Au contraire, c’est elle qui le subjugue, fut-il, comme c’est le cas ici, multiplié par six… »

La suite de l’article étant écrit avec le même esprit…

Koringa en haut de l’affiche

Après un retour au Cirque d’Hiver Bouglione en novembre1968, elle dit Adieuà ses compagnons de route comme Daisy ou Chow-Chow, et se retira du métier.  Alors qu’elle voulait fêter la nouvelle année 1976, elle décéda 1er janvier, à Villiers-le-Bel.

Artiste remarquable et courageuse, Koringa, au départ simple assistante de Blacaman, se métamorphosa en une ensorceleuse prêtresse entourée de sinueux reptiles et de redoutables sauriens. 

Par son talent et son travail acharné, elle réussit à s’imposer, seule, dans le métier et de se produire en haut de l’affiche des plus grands cirques du monde. 

Belmonte Bates

Sources

  • Danseuse avec Blacaman
  • Acte de naissance et acte de décès Maria Bernard – recherches Paul Salasca. 
  • Blacaman hypnotiseur de fauves et de reptiles – Belmonte Bates – circus-parade.com
  • Initiation aux mystères orientaux
  • Von Fligenden Menschen und Tanzenden Pferden – Gisela Winkler.
  • Les secrets des fakirs
  • The Posters of Bertram Mills Circus – Steven B. Richley
  • Au Bertram mills circus
  • Look – 28 septembre 1937.
  • Bertram Mills – David Jamieson.
  • The New Castle Journal – 8/7/1838.
  • Les grandes maisons
  • La Historia del Circ a Barcelona – Ramon Bech i Batlle.
  • The Boswells – Charles Ricketts.
  • Reco – Miehe – Scott – B. Mills – affiches.
  • Echo – mai 1950 – avril 1955. 
  • Medrano – avril 1955 – programme.
  • Scènes et Pistes – avril 1955.
  • Pinder – direction Charles Spiessert – Dominique Denis.
  • Geschwister Althoff – Henk van den Berg & Guido Ross. 
  • Les journalistes en embuscade
  • Parée de 25 mètres de serpents Koringa… Robert Fuzier – Libération – 27/03/1953.
  • Un magnum, un falcon, une échelle de sabre – Paul Carrière – Le Figaro – 26/03/1955
  • À Medrano – Koringa – Serge – Franc-Tireur – 30/03/1955.
  • Un jeudi au cirque – Jean Cabanel – Le Populaire – 10/04/1955.
  • Série d’articles de presse – avril 1955.

suite

  • Koringa en haut de l’affiche
  • Cirques en bois, cirques en pierre de France – Charles Degeldère et Dominique Denis.
  • 200 kilos de crocodiles – Jacqueline Cartier – France-soir – 2/11/1968.
  • Un beau spectacle – Maurice Tassart – Le Parisien – novembre 1968.
  • Recherches généalogiques Paul Salasca.
  • Article nécrologique – L. R. Dauven – Le Cirque dans l’Univers – n° 100.
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