Histoire de la réouverture du Cirque d’Hiver le 12 octobre 1923. Adaptation et extrait de : Cirque d’Hiver – Direction Gaston Desprez – Dominique Denis.
Une brillante première le 12 octobre 1923
12 octobre 1923, à Paris : Les travaux à peine achevés, la première eut lieu.
Voici le programme :
Ouverture musicale par l’orchestre de Raphaël Pompillo
Miss Adwinte, écuyère
Les 4 Pauwels, acrobates au tapis
Tango, demi-sang présenté par J. De Jonghe
Les trois fils de François Fratellini, acrobatie en colonne
Les frères Rose, jonglerie à cheval
Frank Pichel et Averino, intermède comique
Torcat et Miss Daliza et leurs 60 coqs dressés
entracte
Les 6 Milano, trapézistes
Le trio Moller, acrobates à cheval
Les clowns Ilès, Little Walter et E.P. Loyal
La cavalerie de De Jonghe
Les 2 Mandos
Les éléphants d’Amar présentés par Lucas
Les Oméros, gladiateurs
Fortunio et ses lions
Un spectacle copieux
Ce fut un succès ! Dans la revue professionnelle Inter Forain, Ali Héritier écrivit :
« … Le public rend chaque soir hommage à l’active direction de M. Desprez, qui a eu le soucis de marquer cette première bien parisienne, par un programme abondant et fort original… »
Ce programme d’ouverture était habilement composé et bien mené sous la direction de Lavata, en habit rouge et cravaté de blanc. La cavalerie, celle du Maître écuyer Joseph De Jonghe, par ailleurs directeur d’un des meilleurs cirques du Benelux, comprenait une quarantaine de chevaux. Il était secondé par les frères Alphonse et Joseph Rose qui brillaient dans leurs jongleries à cheval. Cette troupe équestre était engagée pour l’hiver.
La voltige fut défendue par le trio Moller, avec leur trépident triple jockey, et par Miss Adwinte dans son évocation de la traditionnelle écuyère à panneau.
Animaux en piste
Le numéro des 60 coqs de Torcat fit, également, une forte impression. Elève d’Edmond Pezon, Fortuné Letang, dit Fortunio, l’ex-patron et ami de Gaston Desprez, revêtu d’une simple peau de panthère, la moustache conquérante, paradait au milieu de ses lions. Il fit sensation, avec sa présentation à l’ancienne, dans une petite cage carrée.
Enfin, sous la direction de Lucas, les deux éléphants d’Asie Jenny et Béby – nouvellement acquis par les frères Amar – dansèrent avec entrain.
Acrobaties
L’acrobatie au sol fut parfaitement représentée par les athlétiques gladiateurs Oméros, les 4 Pauwels vêtus de maillot gris clair, dans un pot-pourri d’équilibres et de saut… et les 3 fils de François Fratellini, Kiko, Albertino et Popol, costumés en Pierrot, dans leurs exercices en colonne.
La gymnique aérienne fut l’apanage des Mandos qui évoluaient sur une grosse ancre de marine, et des 6 Milano dans leurs voltiges au trapèze volant de bâton à bâton.
Comédiens de la Piste
Au rayon du rire, deux équipes étaient engagées pour la saison. D’abord, Averino et Franck Pichel, un duo original qui s’imposa d’emblée avec une parodie de dompteur forain du meilleur aloi. Acrobate comique d’une irrésistible drôlerie, Frank Pichel excellait dans les parodies de danseuses ou de lutteurs. Dans son excellent livre Au Music-Hall, Gustave Fréjaville lui consacra trois pages. Après avoir triomphé sur les planches des music-halls dans le monde entier, Frank Pichel venait de décider de se lancer dans la comédie clownesque, au côté de son ami Averino.
Ce dernier – de son vrai nom Michel Sellier – avait débuté au fameux Cirque Toscan dirigé par Auguste Frediani. Il devint un remarquable barriste, puis casse-cou avec Ugo Ancillotti, et enfin Auguste de Soirée au Nouveau Cirque de Paris, aux côtés de Foottit et Chocolat.
Trio du rire
En seconde partie du spectacle, un nouveau trio constitué pour la circonstance fit son apparition : Ilès, Walter et E. P. Loyal. Le clown Charley-William Ilès était un personnage tout en rondeur et d’humeur joyeuse.
Alexandre Ulrich, dit Little Walter, en compagnie du célèbre Antonet, fut le créateur d’un certain nombre d’entrées qui allaient devenir par la suite des classiques, tels le sketch du Piano ou celui de la Clarinette. Ce personnage, sans doute, le plus créatif de l’histoire de la comédie clownesque, fut une vedette dans les plus grands établissements d’Europe et d’Amérique du Sud.
Issu de la fameuse dynastie, Emile P. Loyal était un jongleur original. Il s’était composé une silhouette particulièrement cocasse de vagabond en costume de cérémonie.
Pour cette première, cette nouvelle équipe présenta un final musical sur échasses grandissantes du meilleur effet.
Attractions à sensation
La renaissance du Cirque d’Hiver, le 12octobre 1923, fut une réussite. Gaston Desprez pouvait être fier de ce succès, qui n’était pas évident, compte tenu de la multitude des spectacles proposés en cette époque d’après-guerre.
Dans un premier temps, les trois principaux concurrents ne furent pas spécialement ravis de la réussite de cette nouvelle direction. Cependant, cela les obligea à faire des efforts pour améliorer la qualité de leurs programmes. Ainsi, le Nouveau Cirque, dirigé par Charles Debray, mettait à l’affiche le cheval funambule Blondin, Attila et le trio de clowns Dario. Le Cirque de Paris – direction G. Rousseau – annonçait les éléphants musiciens de Rossi. Enfin, Medrano, sous l’égide de R. Bontemps, présentait la cavalerie Carré et le trio Fratellini.
Les grands gagnants de cette compétition furent, naturellement, les Parisiens, le 12 octobre 1923.
Dominique Denis
- Extrait de : Cirque d’Hiver – Direction Gaston Desprez – Dominique Denis – Arts des 2 Mondes
- Sources – 12 octobre 1923
- Programme du 12 au 18 octobre 1923.
- Pistes et Plateaux – Monsieur Loyal – Le Théâtre Français – 20/10/1923.
- Cirque d’Hiver – Ali Héritier – Inter Forain – 3/11/1923.
- Les Cirques des Frères Amar – Dominique Denis.
- Les Craddock Fratellini – Dominique Denis.
- Dossiers : Le Nouveau Cirque – Le Cirque de Paris – Medrano – archives de l’auteur.
- Le Cirque – André Legrand-Chabrier – Paris-Journal – 9/11/1923 – 29/11/1923.
- Au Music-Hall – Gustave Fréjaville.
- Les Clowns – Tristan Rémy.
- Monsieur Loyal – Lorenzo Frediani.
- Les combattants du Cirque – Louis Lavata – Le Quotidien – 1/5/1932.
- Le Cirque – André Legrand-Chabrier – Paris-Journal – 30/11/1923.
- La Herse – décembre 1924.